Le blog d'Hélène Bodenez 

 

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 00:00

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Décryptage | Hélène Bodenez*


 Ambiance électrique au Sénat pour la nouvelle mouture du texte encadrant le repos dominical. La gauche est à la manœuvre. À l’ordre du jour, une proposition de loi mise en discussion, post loi Mallié, cherchant à mettre « fin à l'hypocrisie qui prévaut depuis 2009, celle de salariés volontaires malgré eux, sous la contrainte de mutation ou de licenciement. » Tel est le constat sans appel de Ronan Kerdraon (PS – Sénateur Côtes d’Armor).

 

Interpellant la droite, Didier Guillaume (PS – Sénateur Drôme) résume bien en fin de discussion les intentions de ceux qui sont en amont du texte : « Si une nouvelle majorité arrive aux affaires, ce ne sera pas pour détricoter vos lois, mais pour retisser du lien social et remettre de la justice. » La droite a beau protester, il poursuit : « Nous ne voulons pas interdire le travail du dimanche, mais empêcher qu'il ne devienne la règle. » Il s’agit bien de cela, d’une légitime crainte, celle qu’avec les Puce et la loi Mallié, on ne promeuve la consommation le dimanche, « pour généraliser ensuite le travail dominical quand les habitudes seront prises. »

 

Patricia Schillinger (PS/EELV – Sénatrice du Haut-Rhin) de son côté remerciera ses collègues pour leur initiative, « car le travail dominical menace la sphère familiale, spirituelle et associative. Il n'est pas la solution pour relancer la consommation et ne crée aucun emploi dans les grandes surfaces, qui menacent les commerces de proximité. » Il devrait rester « un repère social pour vivre décemment en société. »

 

La gauche majoritaire remportera sans surprise les deux votes de l’après-midi houleux. La demande de renvoi du texte en commission déposée par Isabelle Debré, cherchant à temporiser, n’a pas réuni le nombre de voix suffisant. Pour mémoire, Isabelle Debré (UMP – sénatrice Paris) est l’auteur de l’amendement félon dit confokea , et la rapporteure (sic) au Sénat du texte de la loi Mallié.

 

À quoi joue donc Isabelle Debré en exigeant une « parole de droit », donnant des leçons de règlement à la nouvelle majorité, affichant une prétention pénible quand elle croit utile de rappeler haut et fort  à plusieurs reprises qu’elle a été « la rapporteure heureuse » de la loi Mallié, quand elle reconvoque tel quel l’imparable et si bel argument des achats en famille le dimanche : « Les achats en famille, qui ne sont pas faits le dimanche, ne sont pas reportés en semaine. Il y a un manque à gagner pour le commerce. » Se prévaloir d’un hémicycle comble en 2009, de discussions ayant duré alors deux jours, défendre un ministre, en l’occurrence Xavier Bertrand (UMP), qui ne serait pas assez grand pour se défendre tout seul, pousser maladroitement le rapport Méhaignerie distribué sur le fil le matin même et relayé par La Croix ; rien n’arrive à trouver son but, tant la bonne foi manque et la mise en avant de soi-même fait obstacle.

Doit-on rappeler que l’hémicycle dont parle Isabelle Debré était, lors du vote de 2009 auquel elle fait référence, bien plus clairsemé qu’en ce 16 novembre 2011, puisque la procédure accélérée déclenchée par le Gouvernement a abouti à une loi votée de nuit au Sénat à quelques voix près ! De fait, comme l’a dit Mme Nicole Borvo Cohen-Seat (PS – sénatrice de Paris), il y avait bien une certaine « hargne de nos collègues de droite, qui ont multiplié les attaques ad hominem, l'agitation et l'agressivité, comme si nous étions dans un meeting de l'UMP. »

 

« Dogmatique », « conservateur », « caricature », « formidable retour en arrière », les mots négatifs ont fusé pendant quatre heures de discussion en direction d’une gauche communiste, depuis longtemps discréditée, à qui l’on refusait définitivement de pouvoir défendre l’homme qui travaille, l’accusant de faire « matin, midi et soir… de l'antisarkozysme. »

 

Défendre la liberté de travailler le dimanche, c'est défendre le renard libre dans le poulailler libre


Clou de l’après-midi, l’intervention de Mme Procaccia (UMP – Sénatrice du Val-de-Marne) présentant une motion et donnant la ville de Moscou comme modèle « où tout est ouvert sept jours sur sept et souvent 24 heures sur 24. » Les lobbies devraient se souvenir d’une telle ambassadrice ! Comme d’ailleurs, ils devraient se souvenir de la ministre des Sports Chantal Jouanno (UMP – Sénatrice de Paris) volant au secours du secrétaire d'État au Commerce extérieur Pierre Lellouche et de son comité : « Le préfet de Paris a proposé des ouvertures dominicales boulevard Haussmann par exemple. L'ouverture le dimanche des Galeries Lafayette créerait deux mille emplois, notamment pour les étudiants. »

 

Il y eut également l’intervention de Muguette Dini (Union centriste – Sénatrice du Rhône): « Les termes de la proposition de loi me posent problème. Quoi qu'on pense, le repos dominical est associé à la messe du dimanche… Et on y va de moins en moins... Le repos hebdomadaire est une notion plus adaptée à notre temps. Le travail du dimanche peut être intéressant pour l'organisation de la vie familiale, pour les parents divorcés dont le conjoint garde les enfants. Et il y a d'autres exemples. » Argument bien dangereux que celui-là, que le repos hebdomadaire obligatoire donné n’importe quel jour, que chacun choisit à son gré, à la carte, non plus le dimanche ! Plus de jour commun pour faire société.

 

Mais heureusement, il y eut une fois encore l’humour de François Fortassin (RDSE – Sénateur Hautes-Pyrénées) ironisant sur « les turbulences » du Sénat. « Défendre la liberté de travailler le dimanche, c'est défendre le renard libre dans le poulailler libre. » Et d’opposer facétieusement une fin de non-recevoir aux tenants du travail le dimanche : « Certains salariés du dimanche ne sont pas mieux payés qu'en semaine. Gardons un peu de mesure, nous sommes tous responsables ; l'État ne réussit pas à imposer les gardes dans certains déserts médicaux, mais il protège sans problème les vendeurs de casseroles. » François Fortassin veut bien admettre qu’il y ait des « arguments valables des deux côtés » mais choisit son camp, d’être « toujours du côté des travailleurs, qui sont trop souvent maltraités. »

La nouvelle majorité au Sénat ne s’en laissera pas conter. C’est sûr. Donnons le mot de la fin à Ronan Dantec (EELV – Sénateur Loire-Atlantique) qui ne mâche pas ses mots : « “Travailler plus pour gagner plus” est un slogan obsolète, mais nombre de salariés s'en souviennent comme d'une tromperie politique. »

 

Une question se pose désormais. Comment  interpréter le retour sur le devant de la scène politique du texte sur l’encadrement du repos dominical qui est venu en discussion ? Coup d’épée dans l’eau , grandes manœuvres en vue d’une Assemblée possiblement renouvelée ? Les sénatrices Isabelle Pasquier et Annie David (CRC – Sénatrices Bouches-du-Rhône, Isère) à l'initiative et rapporteur de la proposition de loi ne manquent pas de courage politique.

 

Photo : © Wikimedia Commons/ Travail personnel via OTRS/ licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0 Unported

 

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 00:00

 

 

| Le fil


Mgr Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France était l’invité de Face aux chrétiens ce jeudi 9 novembre sur Radio Notre-Dame et répondait aux journalistes sur les points abordés par la Conférence des évêques de France à Lourdes. De longues minutes, lors de cette émission phare de la radio, ont été consacrées à la question du dimanche.

 

À Dominique Chivot de Radio Notre-Dame, Mgr Podvin n’hésite pas à dire « que le dimanche est véritablement à sauver sur le plan social tout autant que sur le plan religieux ». Rien de « communautaire » dans cela. L’appel des évêques n’est pas une « revendication purement religieuse ». Les évêques tiennent au dimanche « pour les raisons théologiques que l’on devine ». Jour cardinal au visage particulier dans l’ordonnancement de la semaine, le dimanche dont l’importance sociale est grande doit être vu « comme le véritable point d’équilibre d’une société, comme un véritable élément de ressourcement ». Le porte-parole des évêques donne les raisons pour lesquelles, l’Église « ne doit pas jouer cavalier seul dans cette affaire ». Convoquant le discours de clôture du cardinal Vingt-Trois, Mgr Podvin met en avant la qualité d’une vie dominicale qui passe également par l’ouverture « des lieux d’accueil et des lieux de culte et de prière ».Dans une vie moderne bousculée, « éclatée », les évêques cherchent comment le dimanche peut tenir son rôle de « pôle d’équilibre ».

 

Et aussi son rôle d’« enjeu culturel » : celui du lien avec les municipalités, les collectivités, les municipalités pour lesquelles les églises représentent des « budgets lourds », portant « très sérieusement dans leur ensemble la valorisation d’un patrimoine ». L’appel de Mgr Podvin se fait grave : « Il faut que nous soyons cohérents, que la communauté catholique soit cohérente dans sa façon d’habiter l’espace, de désirer y animer encore des temps liturgiques dignes de ce nom. Il ya beaucoup de maires de communes qui interpellent la communauté en disant : On a pris des décisions budgétaires importantes pour restaurer l’église ! mais qui demandent : quand sera célébrée l’Eucharistie dans cette église ? »

 

Question nécessaire. Les ADAP, ces assemblées dominicales en « attente » de prêtre, ont vécu ! Voilà réaffirmé le « sens profond du dimanche » comme le disait déjà le cardinal-archevêque de Paris dans l’assemblée des évêques au printemps dernier ;  ce sens profond du dimanche va de pair avec la « convocation, qui est adressée aux chrétiens, celle de participer physiquement effectivement à la messe le dimanche ».

 

Récemment paru sur le sujet :

 

 

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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 00:00

13 mai 2011

 

Décryptage | Hélène Bodenez


 N’est pas Robin des Bois n’importe quel hors-la-loi. Le Télégramme de Brest du 12 novembre (p.7) rend compte de la « discorde » qui saisit à nouveau le « bassin rennais » à propos du travail dominical. Raison invoquée des dirigeants des supermarchés incriminés ? « S’en sortir » !


Depuis 1906, la loi encadrait le « repos dominical ». C’est en ces termes qu’est nommé de manière juridique le repos hebdomadaire obligatoire : un même jour pour tous, le dimanche. Des exceptions existaient bien sûr, encadrées. Pas suffisamment en ont donc décidé certains. Depuis l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy, le passage en force commencé sous son mandat augmente semaine après semaine malgré des vétos d’importance comme ceux du Conseil Constitutionnel. Pour défaire une loi séculaire, à l’importance sociale démontrée, il y a désormais la loi Mallié d’août 2010 qui continue de mettre le feu aux poudres, loi qui a judiciarisé jusqu’à l’absurde une situation qu’on prétendait simplifier. Les jours chômés subissent les mêmes avanies. À Nantes par exemple, les douze supermarchés étaient ouverts ce 11 novembre 2011.

 

Régulièrement, une poussée de fièvre monte, suivie d’une rémission qui ne dure jamais bien longtemps. Les défenseurs du repos dominical le savent et ne dorment que d’un œil. Singulier depuis le début de la bataille, le mépris de la loi, le mépris de la grande majorité des salariés ne voulant pas travailler le dimanche, en France comme plus largement en Europe, ne voulant pas davantage travailler de nuit.

Un petit nombre veut faire sa loi sans se soucier de l’indignation populaire qui monte. Comme dans l’hypercentre de Marseille.


Dernière étape en date : la zone de Rennes (La Mézière), très significative de l’ensemble de la bataille du dimanche, cheval de Troie pour Paris. Alors qu’un accord avait été trouvé pour que les magasins supérieurs à 700 m2 restent fermés le dimanche, Intermarché (Jean-Pierre Meunier) et Casino (Jean-Charles Naouri) franchissent le Rubicon et se dédouanent de l’accord, prenant le risque de la concurrence déloyale et du coup de canif traître dans les mailles du consensus. Le plus fort de l’affaire évidemment, c’est le téléguidage du Préfet Michel Cadot par le secrétaire d’État à la consommation, Frédéric Lefebvre (Le Mieux est l’ami du bien, Éd. du Cherche-midi), celui qui, sans cesse, parti par une porte revient par la fenêtre ! Et, qui mieux placé qu’un Préfet pour ouvrir la fenêtre ?


Généraliser les dérogations avant 2012, avant que la gauche ne passe ?


Comment interpréter ce nouvel épisode d’un feuilleton irrationnel et brutal ? Croire à une sortie de crise par le travail du dimanche ne laisse toujours pas d’étonner comme si cette recette simpliste allait apporter sa pierre à une croissance plus qu’en berne ! Toutes les analyses sérieuses contredisent ce point.

Frédéric Lefebvre réactive le sujet en pré-campagne présidentielle alors que la majorité des Français, au-delà des partis politiques, ne veut pas de la dérégulation de ce jour « spécial », de ce jour « qui fait société »[1]. Étrange moment politique en vérité. Est-ce un ballon d’essai pour évaluer s’il faut remettre le sujet qui fâche dans le programme ou pas? Ou, à l’inverse, les sondages donnant François Hollande gagnant pousseraient-ils Frédéric Lefebvre à vouloir plus que la loi Mallié, d’urgence, avant que la gauche ne passe, une gauche qui pourrait encadrer plus fermement encore le repos dominical, notamment grâce à un nouveau Sénat à son image ?


La majorité de la Chambre haute du Parlement français a basculé, et l’on sait que le texte déposé encadrant le repos dominical entre en discussion ce 16 novembre et qu’il pourrait être adopté dans les semaines à venir. Bien entendu, les chances d’aboutir concernant une hypothétique lecture à l’Assemblée nationale sont nulles, la majorité ne pensant pas revenir sur son œuvre et la session parlementaire se terminant fin février, mais cela signifie que le dossier du repos dominical n'est pas éteint du point de vue législatif et qu'il pourrait à terme trouver écho en cas de majorité modifiée aussi à l'Assemblée nationale.


Dans ce cas de figure, il faudrait sans doute revoir l’article de principe, comme nous le disions déjà le 22 octobre dernier. Pourquoi en effet ne pas revenir au texte initial de l'article 1 de la loi du 13 juillet 1906 dont la simplicité est la meilleure garantie d'une application nette. Parler, comme aujourd'hui, de « l'intérêt des salariés » et ajouter « des familles » sonne-t-il bien juste aux oreilles du juriste ? Ne rejoint-on pas au fond les promoteurs du travail dominical quand on met au cœur du principe « l’intérêt » ? « Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » est une formulation parfaite.


On comprend l’affolement de Frédéric Lefebvre et de ses épigones. Une chose est sûre. La contradiction n’étouffe pas les dirigeants des supermarchés soutenus dans leur délinquance caractérisée par le pouvoir politique. Ambigu, Jean-Charles Naouri déclarait à propos de supérettes hors-la-loi de son groupe ouvrant le dimanche : « Le groupe Casino a toujours respecté la loi, y compris sur le travail du dimanche. Les cas que vous évoquez ne concernent que quelques franchisés qui ne représentent pas la position du groupe. Pour autant, nous entendons qu'ils respectent la loi et le leur avons fait savoir très fermement. Ce sujet sociétal fait débat mais les mentalités et les pratiques évoluent. » Peut-être le « groupe » pourrait-il rappeler sa « position » ? Cela l’honorerait. De la même façon, est-ce bon pour l’enseigne des Mousquetaires de brouiller ainsi son image, et pour longtemps, quand elle promet sur le site du groupe « l'égalité qui apporte ‘le mieux être‘ au plus grand nombre » et opère en même temps un hold-up sur le jour chômé de droit des salariés.


Rien ne serait acquis de toute façon à gauche, l'ombre de Jacques Attali ayant plané sur Nicolas Sarkosy planerait avec la même force sur François Hollande.

La riposte ne saurait donc tarder. Comptons une fois encore sur la détermination de la CFTC et de Joseph Thouvenel, de la nôtre sans failles à Liberté politique. Mais en attendant, le diable en rit encore !

 

 

L’Association pour la Fondation de Service politique (AFSP) est membre de l’European Sunday Alliance 

Conseils de lecture : une bibliographie 

Ci-dessous lien du livre Á Dieu, le dimanche ! d’Hélène Bodenez (Éd. Grégoriennes, 2010).

 

Ci-dessous liens desarticles dela revue Liberté politique

Revue n°50 

LE CAS DE L'ANNEE 

LA BATAILLE DU DIMANCHE EN FRANCE ET EN EUROPE

HELENE BODENEZ — Depuis le 11 août 2009, le travail dominical est possible en France. Un régime de dérogations légales qui rompt avec un principe structurant de la vie commune, partout en Europe. Ce chemin de régression sociale pourrait déboucher sur l’effet inverse de celui recherché.

Revue n°47 

LE DIMANCHE, JOUR CARDINAL 

HELENE BODENEZ — La Bible enseigne que le dimanche chômé est un rempart contre les idoles que peuvent constituer aujourd’hui le travail et de la société de consommation. En dépit de la loi, la protection du dimanche appelle à l’adoption de nouveaux styles de vie.

Revue n°44 

POURQUOI LE DIMANCHE ? 

HELENE BODENEZ — Si l’on peut si facilement s’emparer du dimanche, c’est que les chrétiens l’ont déserté les premiers. En lui redonnant son sens spirituel, les catholiques seront en première ligne dans le renoncement librement choisi au travail servile.

 


 

[1] J.-Fr. Froger, Le Maître du Shabbat Éd. Grégoriennes, 2009), D. Perron, Histoire du repos dominical, un jour pour faire société, L’Harmattan, 2010).

 

 

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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 21:06

Ma chaîne You Tube à ce lien

https://www.youtube.com/user/HEBDZ1

 

Avec deux playlists

1. En suivant La Manif Pour Tous

https://www.youtube.com/playlist?list=PLrXfxjZ9gwNifgT4aNCIDy9XnvsO-Oyl7

 

2. Travail le dimanche

https://www.youtube.com/playlist?list=PLrXfxjZ9gwNh86Mubke0ZQn6vQDOiy_tK

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 23:00

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| Le fil


 La FAFCE [1] (Fédération des associations familiales catholiques en Europe) organisait le 17 octobre une conférence à Bruxelles sur le thème l’apport du « travail invisible » à la création de richesse – valeur ajoutée de la cohésion sociale. Concluant les travaux de la journée, Luca Jahier, Président du Groupe III du CESE qui en avait accepté le patronage, promettait d’être plus que jamais« l’allié » de la Fédération et invitait les participants à « continuer une grande bataille », celle du rôle crucial généré par les familles dans la production du PIB et des richesses sociales, culturelles de nos sociétés.


La conclusion se proposait d’en dessiner certaines perspectives. En vue, une année européenne de la famille, mais aussi remettre sur le métier une mesure, ratée sous Présidence française, la baisse de la TVA des familles, qu’on a accordée pourtant en France aux restaurateurs, sans grands résultats sur la croissance. Le« bien-être électoral » de Monsieur Sarkozy ne passerait-il donc pas par la famille ? Cela implique aussi de se soucier de la retraite de femmes qui se sont dévouées pendant toute une vie à leurs enfants, aux malades, aux handicapés, aux personnes dépendantes. La bataille à engager est « pointue », « précise ». Il y a de toute évidence un « chapitre à ouvrir ». La liaison entre le travail invisible des familles et le volontariat, précise Luca Jahier est certes à faire, mais elle n’est pas simple. Le volontariat peut aisément se chiffrer : 5% du PIB avec 115 millions d’Européens qui s’y adonnent, soit 1/5 des actifs de cette population européenne.

 

Pas de chiffres, en revanche, pour calculer la contribution du travail invisible des familles, qui est pourtant un investissement sur l’avenir avec la mise au monde des enfants, leur éducation et la prise en charge des coûts.

Luca Jahier insiste sur la distinction qu’il entend faire comprendre : le travail familial n’est pas le travail du volontariat. Il existe une différence « substantielle », comme l’a rappelé également Stéphane Buffeteau, Rapporteur de l’avis CESE « Le rôle de la politique familiale dans le processus démographique » : « Le travail des familles est d’une autre nature que ce qu’on entend habituellement par bénévolat ». On ne peut quantifier tous les dons mutuels qui se font dans la famille, où le « don de soi » n’est pas le don de ce qu’on a, ainsi que l’écrivait dans sa lettre apostolique Jean-Paul II, heureusement citée, pour qualifier ce don désintéressé : « aimer, donner et recevoir ce que l’on ne peut acquérir ni vendre, mais que l’on peut seulement accorder librement et mutuellement ». Le travail dans la famille ressort d’un choix libre, de devoirs fondamentaux, « choix sans lesquels nos sociétés n’existeraient pas ». Le travail invisible des familles ? Éviter qu’il n’entre dans un système, si généreux soit-il, celui du volontariat.


Ce n’est pas le moindre paradoxe de la journée que cette fin excluant, au fond, le travail invisible des familles du grand chantier de l’année dans l’Union européenne, le bénévolat. Chaque participant souscrit bien sûr à pareille hauteur de vue, mais voilà, pragmatisme oblige, « partout l’on compte » rappelle le Dr Joachim Drumm. Pour ce conseiller épiscopal et directeur du département Société et Église du Diocèse de Stuttgart, le travail est dit invisible parce qu’il n’est pas rémunéré ; il s’agirait donc de le rendre « visible » dans des économies et des politiques déterminées par ce qui est quantifié. L’objectif - et c’était bien sûr toute la raison de cette conférence à Bruxelles – est clair : il faut que ce travail « invisible » devienne visible pour qu’il ne reste pas dans la seule sphère privée alors qu’il a également une grande dimension sociétale.


« Le travail informel familial non marchand » comme le nomme de son côté l’eurodéputé Anna Zaborska, Présidente de l’intergroupe famille et petite enfance au Parlement européen, présente par visioconférence depuis la Slovaquie, est richesse créée par les familles et ce travail doit être reconnu. « C’est tout un regard sur la famille qui doit changer ».

H.B.

 

Photo : © Hélène Bodenez pour l’AFSP, 17 octobre 2011.

 


 

[1] La FAFCE (Fédération des associations familiales catholiques en Europe) est membre à l’instar de Liberté politique de l’EuropeanSunday Alliance. 

 

 

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 23:00

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Décryptage | Hélène Bodenez*


  Après le Conseil Constitutionnel, le nouveau Sénat entend s’imposer sur le dossier.  

La bataille du dimanche n’est pas éteinte. Le groupe Communiste Républicain Citoyen (CRC) a déposé une proposition de loi au Sénat. Visant à garantir le droit au repos dominical, le texte a été enregistré à la Présidence ce 20 septembre 2011.


La CFTC se félicite que cet "excellent texte" reprenne son argumentaire : « Les sénatrices et sénateurs reprennent par exemple, l'amendement CFTC au plan d'action 2011/2014 adopté par le Congrès de la Confédération Européenne des Syndicats, réaffirmant "la nécessité de préserver le dimanche comme journée de repos pour les travailleurs-euses, afin de préserver la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle". »

La nouvelle majorité sénatoriale se livre à une réécriture de certains articles dont le premier, élargissant le nombre des bénéficiaires du repos dominical appelé à n’être plus seulement donné « dans l’intérêt des salariés » mais également dans celui « de leurs familles et de la société ». Dont acte. Mais pourquoi ne pas revenir tout simplement au texte d’avant le 1er mai 2008 supprimé par ordonnance: « Le repos dominical doit être donné le dimanche ». Réintroduire le verbe « doit », ce serait vraiment opposer une fin de non recevoir à la généralisation des dérogations pour n’autoriser que les légitimes exceptions.


 

Travail du dimanche : principales dates des offensives et des résistances

1979
Offensive des magasins d’ameublement dans le nord.

1991
– Les socialistes sont à la manœuvre (Michel Rocard Premier Ministre), des magasins comme Ikea et Virgin Megastore font pression pour ouvrir le dimanche. Le publiciste Jacques Séguéla invente alors le fameux refrain des magasins ouverts d’un côté de l’Avenue des Champs-Elysées, fermés de l’autre.

Janvier 2008
– La commission Attali réunie par le Président Sarkozy préconise en ses décisions 136 et 137 de généraliser le travail le dimanche en France. Depuis 2002, échecs de différents projets de loi.

2008
– Nouveau moyen mis en œuvre, la proposition de loi portée par un parlementaire, Richard Mallié (Bouches-du-Rhône, UMP). Objectif ? « permettre aux entreprises de déroger à la durée légale du travail », à « autoriser ainsi plus largement le travail du dimanche en France ».

Fin 2008
– Fronde d’un groupe de parlementaires au-delà des clivages politiques.

Mobilisation générale : la CFTC (Joseph Thouvenel), le CAD (Jean Dionnot – Étienne Neuville), Radio Notre-Dame (Élodie Chapelle, Julien Chavanne, Anne Gavini … et toute la rédaction), Famille chrétienne (Emmanuel Pellat-Samuel Pruvot), la Vie se mobilisent. Liberté politique (Philippe de Saint-Germain-Hélène Bodenez) entre dans la bataille.

2 décembre 2008
Sondage Ipsos/CFTC/Famille chrétienne /RCF/Radio Notre-Dame

— 84 % des personnes sondées estiment « primordial » ou « important » que le dimanche reste le jour privilégié de la vie familiale, associative, culturelle ou religieuse.

— 64 % des salariés ne sont « pas d’accord pour travailler régulièrement le dimanche ». Ce qui confirme l’avis du Conseil économique et social et du Credoc.

— Les populations urbaines d’Île-de-France : 68,1 % des sondés se déclarent opposés à travailler le dimanche et sont 65,6 % dans l’agglomération de Paris.

Report sine die de la proposition de loi.

Janvier 2009
– Coup de théâtre : la proposition de loi n’est pas enterrée. Nicolas Sarkozy s’obstine, la veut coûte que coûte et amadoue les frondeurs qui en signent une nouvelle version, un compromis. Les ambitions sont certes revues à la baisse. Le principe du repos dominical réaffirmé serait sauf. Écran de fumée.

Les débats peuvent avoir lieu aux deux Chambres et se déroulent alors en procédure accélérée, pendant les grandes vacances, de nuit. Défense du repos dominical au Sénat par André Lardeux qui ose s’élever contre son camp UMP.

Été 2009
– L'Assemblée nationale adopte la loi à une très courte majorité le 15 juillet 2009 (282 voix contre 238) et le Sénat le 22 juillet (165 voix contre 159 voix). Le président Sarkozy signe la Loi 2009-974 le 10 août 2009, (JO du 11 août).

Europe, 19 décembre 2008
– la Directive sur le temps de travail s’est clairement opposée au repos dominical. Le secrétaire général de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), le père Piotr Mazurkiewicz, déclare : « Le dimanche comme jour de repos hebdomadaire privilégié ne sera pas mentionné dans la future Directive sur le temps de travail, alors même que l’objectif affiché de cette Directive est de permettre la réconciliation entre travail et vie familiale. C’est une incohérence et un acte manqué lorsqu’on sait à quel point les citoyens européens attendent aujourd’hui une Europe sociale qui protège les travailleurs et leurs familles. »

Europe, (février – avril 2010)
– Déclaration écrite visant à protéger le dimanche comme pilier du système social européen, caduque. De nombreux députés européens ne signent pas. En mars, une conférence internationale autour de la sauvegarde du dimanche réunit plus de 350 personnes au parlement de Bruxelles.

2010
–  Les recours judiciaires se multiplient en France. Les inégalités se creusent entre zones et communes touristiques, PUCE. Les absurdités ne sont donc pas réglées. À preuve, les salariés de supérettes toujours en grève.

Le front européen s’organise alors que Paris pense à ses grands magasins Boulevard Haussmann et à un futur hypercentre dérogeant au repos dominical. Guerre entre les tenants de l’ouverture des magasins le dimanche et Bertrand Delanoé qui tient bon.

L’OIT semonce la France. Le travail du dimanche n’est pas « travail décent ».

2011
– Le repos dominical est malgré tout réaffirmé principe constitutionnel par les Sages de la rue Montpensier. Les employées d’ED/DIA (d‘Albertville (Haute-Savoie) et d’Oyonnax (Ain) ont gagné les unes le droit de ne plus travailler le dimanche, les autres d’être indemnisées pour licenciement abusif).

Lancement de l’European Sunday Alliance dont L’AFSP fait partie. 

 

Photo : © Jg281 / Wikimédia Commons / Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license.

 

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 23:00

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Décryptage | Hélène Bodenez*


 La question du travail avec celle du temps de travail revient en force sur le devant de la scène médiatique. En Pologne, les années de privations du communisme ont laissées place à la mise en place d'un capitalisme sauvage. Pas a un paradoxe près, le pays très catholique est aujourd'hui le champion européen du travail dominical.


Un numéro spécial de L'Histoire titre ce mois-ci « Le travail : malédiction ou libération ? ». Le Centre culturel de Franklin recevait ce mardi 11 octobre Xavier Fontanet, PDG d’Essilor jusqu’en 2010, pour débattre avec son livre Et si on faisait confiance aux entrepreneurs (Les Belles Lettres, octobre 2010) de la force d’une confiance partagée pour obtenir et soutenir la croissance d’une entreprise. Retenons particulièrement les seize minutes de l’émission Avenue de l’Europe du samedi 8 octobre lorsqu’elles ajoutent leur pierre à la réflexion en faisant  le tour du « Boulot en Europe ».


Allemagne. La première partie de l’émission met en avant d’abord le co-working quand le loyer trop élevé d’une ville force à partager le lieu de travail. Les espaces communautaires dédiés aux créatifs et aux indépendants fleurissent donc  à Berlin qui augmente ses loyers.


Pologne. La deuxième partie de l’émission (curseur à 7’35) s’attarde sur l’un des États membres de l’Union européenne qui connaît la plus forte croissance. Après le communisme, la frustration née de tant d’années de manques a laissé place, sans transition, à une économie capitaliste brutale.


La très catholique Pologne championne du travail le dimanche : pour longtemps ?


Les images du reportage mettent en lumière tous les paradoxes d’un pays aujourd’hui désorienté face aux salaires trop bas et aux horaires morcelés. Quoique  revendiquant ses racines catholiques avec au cœur de sa foi la messe dominicale, la Pologne est devenue championne du travail dominical ! C’est le cas dans de nombreux supermarchés, avec certains, comme le supermarché anglais Tesco, qui en demandent toujours plus : une ouverture  désormais 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour seulement 20% de salaire en plus.


« Nous les femmes (90% des employés sont des femmes), on trime comme des bêtes »… « Je voudrais tant ne pas travailler le dimanche », … « On n’a pas envie de travailler si dur » se plaint Magena, une habitante de Gdansk (330 euros par mois avec trois dimanches sur quatre travaillés même pas payée plus), employée dans un supermarché allemand. Gdansk ? « Hier, haut lieu de la résistance au communisme, aujourd’hui paradis des centres commerciaux. Tout le gratin de l’hypermarché européen semble s’être donné rendez-vous ici (Carrefour, Osowa, Real, Deichmann, Jysk, Leclerc, Decathlon, CA…) comme dans toute la Pologne ». La loi ? « Si un hypermarché a envie d’ouvrir le dimanche, il n’a d’autorisation à demander à personne » avance un responsable de l’Inspection du travail. « Le secteur du commerce constitue la principale dérogation permise ». Seule obligation, « donner un jour de récupération ». L’enseigne n’est pas alors obligée de payer plus. La situation est « dite contrôlée ». « Il est très rare de constater des infractions dans ce secteur », tente de faire croire l’inspecteur du travail.


La résistance d’un pan de l’Église catholique et de Solidarsnoc


Le père Slawomir Decoswski, prêtre catholique en charge d’une paroisse près de Gdansk, fait entendre une autre musique, lui qui reçoit beaucoup de confidences. « On met une énorme pression sur les gens pour qu’ils travaillent le dimanche. Ici les règles du droit social ne sont pas respectées. » À la journaliste qui s’étonne que l’Église polonaise ait toujours pesé sur les débats de société, il répond : « Moi je rappelle toujours dans mes sermons que le respect du jour du Seigneur est sacré. C’est vrai que les évêques ne se sont jamais exprimés solennellement sur le sujet. Ça, je ne sais pas pourquoi. »


Mais « la bête noire » des grandes enseignes, c’est le responsable de Solidarnosc, Alfred Bujara, qui « dénonce les contrats de plus en plus courts, la surcharge de travail, des salaires parmi les plus bas d’Europe ». Le chef du syndicat historique explique que l’installation en Pologne des grandes chaînes coïncide avec la mutation des années quatre-vingt-dix qui a amené avec elle l’obligation de travailler le dimanche et les jours fériés.  « Il existait un vide juridique sur ce sujet. Elles en ont bien profité et elles en profitent encore » poursuit Bujara. Si depuis peu les Polonais ont retrouvé leurs douze jours fériés par an, le travail du dimanche n’est toujours pas réglementé.


La conclusion de Véronique Auger est sans appel : « La Pologne affiche la plus forte croissance en Europe, mais à quel prix ? La question du temps de travail dans les grandes surfaces reste un sujet tabou. Les salariés subissent leur sort en silence ».


La bataille du dimanche en Europe n’est pas encore perdue, loin de là. Un moment clé se profile, celui du 1er avril 2012, date à laquelle sera possible la grande mobilisation de l’Initiative citoyenne européenne. Serons-nous au rendez-vous ? 

 

Hélène Bodenez a publié À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010).

L'AFSP fait partie de l’European Sunday Alliance depuis le 20 juin 2011.

 

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 23:00

 

 

| Le fil


Nous restituons ci-dessous une communication d'Hélène Bodenez prononcée le 4 octobre 2011 au Centre Culturel de Franklin. Hélène Bodenez, qui collabore au site libertepolitique.com, est en charge du dossier « Oui au repos dominical » et représente l'Association pour la Fondation de Service politique auprès de l'European Sunday Alliance.


Laissons un début célèbre débuter notre propos. N’y a-t-il pas, en effet, introduction plus appropriée que l’incipit de La Peste d’Albert Camus[1] où le narrateur, encore anonyme, présente ainsi la petite société d’Oran, un narrateur[2] qui insiste à chaque page sur la vie en communauté menée avec ses « concitoyens ».

« Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre petite ville - est-ce l’effet du climat - tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement, ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent les plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. »


Dans sa déclamation actuelle au théâtre des Mathurins à Paris, Francis Huster qui fait vivre cette « chronique imaginaire » sur les planches prononce les expressions « pour s’enrichir », « gagner beaucoup d’argent » et « faire des affaires » de manière spécifique et appuyée, avec agacement. Joignant le geste à la parole, l’acteur dessine de la main son dégoût, dans l’air, donnant un relief péjoratif aux préoccupations vénales et peu élevées de la population d’Oran livrée à l’habitude et à l’ennui. Les leitmotive de l’œuvre sont lancés, travail, amour, mort. Et quelques chapitres plus loin, l’un des personnages du roman, Joseph Grand, explique au Docteur Rieux pourquoi sa femme est partie sans crier gare : « Le reste de l’histoire … était très simple. Il en est ainsi pour tout le monde : on se marie, on aime encore un peu, on travaille. On travaille tant qu’on en oublie d’aimer ».


Qu’est-ce qu’un travail humain ?


Notre romancier est également philosophe et c’est en philosophe que le romancier lance les bases de sa fiction humaniste nommant en premier l’une des dimensions fondamentales de l’homme, son travail, mais pour la mettre tout de suite en concurrence avec une deuxième dimension fondamentale, l’amour. Quand l’auteur du Mythe de Sisyphe stigmatise les habitants d’Oran travaillant, aimant, mourant, « faisant tout cela ensemble du même air frénétique et absent », il leur reproche de ne pas trouver, de ne pas donner de sens à leur travail, à leur amour, à leur mort ; il reproche aux concitoyens de Rieux de vivre en anesthésiés, de vivre dans l’absurde sans but qui puisse éclairer le chemin. Tel Sisyphe poussant son rocher, les citoyens d’Oran traînent leur travail dans une répétition égoïste sans sens, condamnés à une réduplication réductrice car sans finalité, se condamnant à une routine d’autant plus mortifère qu’elle est méthodique et raisonnable. Particulièrement révélateurs, les adjectifs « frénétique » et « absent » qualifiant « l’air » des membres de cette société. Synonymes de « fou », de et de « sans conscience », ils révèlent ni plus ni moins l’absence d’humanité de vies d’automates, vidées de toute liberté, de vies dégradées.


La question est brûlante. Les habitants d’Oran tels que Camus les dépeint nous ressemblent plus que jamais. Le roman, quoique écrit en 1947, n’est finalement pas si daté et continue à interroger les convulsions de notre société postmoderne en crise. Qu’est-ce qui donne sens au travail ? Comment faire pour qu’un travail soit véritablement humain ? C’est notre question avec celle de la décence qu’il implique pour être véritablement travail digne de l’homme, travail rendant l’homme digne de lui-même.


Le travail un bien pour l’homme


Travailler est le propre de l’homme, occupe le temps de l’homme. C’est dans sa nature de travailler. Les diverses activités qui remplissent sa vie disent un statut de son corps, puisqu’avec ce corps il domine alors la matière qu’il ennoblit en transformant le monde. L’homme travaille de ses mains, utilise pour cela sa force vitale, se sert de son esprit. Il développe des talents, exerce son génie pour produire et faire. Il aboutit à une œuvre, dans laquelle il se reconnaît, de laquelle il se nourrit. C’est cette œuvre qui le réjouit, qui le satisfait, œuvre fruit de son travail, œuvre également qui justifie le salaire. Dimension individuelle bien sûr du travail. Mais dimension collective également : l’homme en travaillant accroît le bien commun d’une société et par là peut la rendre plus libre.


On m’objectera que travailler n’est pas souvent perçu comme cela, avec son angle de peine et d’effort rude. Le mot « travail » n’a-t-il pas à voir avec un instrument de torture d’esclave, ce tripalium antique composé de trois pieux ? Le récit judéo-chrétien de la chute originelle n’a-t-il pas d’ailleurs gauchi notre vision du travail quand l’interprétation insiste autant sur le châtiment d’Adam transmis à toute l’humanité, sur ce « tu travailleras à la sueur de ton front[3] » retenu comme une seule obligation pénible, et comme séparation de Dieu ? (« Tu travailleras à la sueur de ton front », mot à mot « tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » où l’on voit qu’on doit travailler en vue de son pain quotidien, de sa subsistance, ce qui fera dire à saint Paul : « que celui qui ne travaille pas qu’il ne mange pas non plus !…) Sans aucun doute l’assimilation du monde, son appropriation après la chute est difficile. Mais chacun en a fait l’expérience, quand l’homme travaille en voyant le sens de ce qu’il fait, même au prix de fatigues physiques, cela l’épanouit. Preuve donc que le travail n’est pas que peine. Quand il n’est pas simple instrument mais partie prenante d’une œuvre à faire, l’homme aime travailler, c’est un bien pour lui ; encore faut-il qu’il soit un bien utile, un bien digne. C’est un gage de son développement, de la croissance de sa personne, de son élévation spirituelle. En travaillant l’homme devient ce qu’il est et grandit en humanité. Tout homme a le droit de vivre cela.


Ne pas travailler, un mal


À l’inverse, ne pas travailler est un mal, plus qu’un préjudice, une profonde souffrance, une injustice. La plaie du chômage ne nous le rappelle que trop en inversant les choses : travailler n’est plus obligation ; avec les subventions, l’on mange sans travailler ; on enlève au travailleur la possibilité de se réaliser en tant qu’homme. Plaie également d’une certaine mécanisation, des machines supplantant parfois l’homme ou le rendant esclave.


Éloquent à ce titre, le film récent Ma part du gâteau (Cédric Klapisch, 2011). Il s’ouvre sur la tentative de suicide d’une salariée de Dunkerque. Cette mère de famille divorcée, élevant seule ses trois enfants, voit soudain sa vie basculer quand les licenciements la touchent elle aussi après avoir travaillé vingt ans pour la même entreprise. C’était toute sa vie. « Elle était possédée par son histoire » dirait Florence Aubenas[4]. Le sentiment de gâchis et d’injustice atteint son paroxysme. D’où son désespoir. Et c’est bien compréhensible. La nature du travail n’est pas seulement liée à l’objet exécuté, mais aussi à celui qui l’exécute, c’est-à-dire à une personne libre. Se séparer de travailleurs comme de vulgaires choses - « on n’est rien » dit l’héroïne dans le film – est strictement contre nature, indécent. Les chômeurs, des laissés-pour-compte, voilà ce que produit notre société au lieu d’en faire des partenaires, d’en mesurer le profit potentiel, d’utiliser leur capacité de travail. Nul doute que les économistes auraient là de bonnes pistes de réflexion.[5]


Importance de la dimension subjective du travail


Dans Laborem exercens, la troisième des quatorze encycliques écrites en vingt-sept ans de pontificat, Jean-Paul II l’ex-mineur d’une Pologne broyée par un communisme dépersonnalisant, rappelle ce distinguo traditionnel que l’Église a toujours fait et ne cesse d’affirmer à temps et à contre-temps dans notre âge de fer, rappelle que l’homme ne saurait être traité comme un instrument de production, en « force anonyme », ne saurait être « traité de la même façon que l’ensemble des moyens matériels de production », et non selon la vraie dignité de son travail : « Les sources de la dignité du travail doivent être cherchées surtout, non pas dans sa dimension objective mais dans sa dimension subjective… Le premier fondement de la valeur du travail est l’homme lui-même, son sujet. Ici vient tout de suite une conclusion très importante de nature éthique : bien qu’il soit vrai que l’homme est destiné et est appelé au travail, le travail est avant tout « pour l’homme » et non l’homme « pour le travail ». … Le but du travail, de tout travail exécuté par l’homme – fût-ce le plus humble service, le travail le plus monotone selon l’échelle commune d’évaluation, voire le plus marginalisant – reste toujours l’homme lui-même. » (n.6)


Le pape slave connaissait la dure réalité du travail en Union soviétique et dans ses pays satellites. Tous ceux qui ont connu les camps de travail dans des systèmes totalitaires savent à quel point le travail forcé peut nier l’homme, lui extorquant sa liberté et sa dignité. J’ai en tête l’épisode que rapporte Soljenitsyne dans Une journée d’Ivan Denissovitch, l’épisode des énormes numéros usés par la pluie et le vent qu’on était obligé de repeindre à la peinture blanche sur les dos des zek : le travailleur, un numéro. Quand on nous donne en modèle actuellement les pays asiatiques qui, eux savent travailler – combien de fois n’entend-on pas cela – je me demande si l’on n’est pas prêt à retomber dans les pires travers qu’une Histoire proche pourtant a stigmatisés, croyant que les sorties de crise passent par leurs façons de tout sacrifier au travail.


Travail et repos : une alternance de décence


Mais l’homme est l’homme. Et ce qui est un bien pour l’homme occidental l’est également pour l’homme oriental, pour tout homme : aspiration à la liberté, à une compatibilité de la vie personnelle avec la vie professionnelle, compatibilité de la vie professionnelle avec la vie familiale. Jouissance d’un repos le dimanche bon pour tous, bien loin d’être « une stupidité économique »[6]. Dans les lignes liminaires du roman de Camus le lecteur note que même les habitants d’Oran ne font pas de commerce le samedi soir et le dimanche ; ils les réservent aux plaisirs, à des « joies simples ».


« Jour des liens », comme l’ont appelé certains. Jour où, comme le dit notre ami Joseph Thouvenel de la CFTC, « l’on met entre parenthèses la consommation et la production pour autre chose ». Jour où l’on « fait société » comme le dit le Docteur en droit Daniel Perron, jour pour Dieu surtout où les catholiques célèbrent l’Eucharistie qui forme l’Église.


Notre Constitution garantit en son article premier une République « sociale ». N’est-il donc pas incohérent le Gouvernement qui touche au jour censé créer le lien social qui se délite un peu plus chaque jour ? Le dimanche est jour d’un travail « invisible », du travail bénévole[7], gratuit. Jour d’une « véritable valeur ajoutée de la cohésion sociale ». Le moteur, on le voit, n’est plus alors l’argent mais le don. C’est ainsi que le sens du travail se révèle paradoxalement lorsqu’on ne travaille pas, quand l’homme prend ce repos, quand l’homme prend conscience de ce qu’il a fait, de ce pour quoi il est fait. Il est alors décent de donner ce jour à tous.

DÉCENT, mot que l’Organisation International du Travail met à l’honneur dans ses codes. Décence selon le dictionnaire historique d’Alain Rey (Bordas) vient de « decens et est employé au sens moral de « convenable » « séant » ». Venant « du participe présent de decere, décent est surtout employé en construction impersonnelle. Decet, il convient. » « Mot spécialisé sur le plan de l’acceptabilité selon les normes sociales et signifie correct, acceptable. » Actuellement, travailler le dimanche et les jours fériés, travailler la nuit n’est toujours pas du travail décent. Jusques à quand ? Une dérégulation puissante est en marche.


Au niveau chrétien, le travail sanctifie le temps.


Revenons encore à ce portail de La Peste. Les habitants d’Oran ne travaillent « que pour s’enrichir ». N’y aurait-il pas un autre but plus humain au travail ? Ce que nous révèlent les Écritures nous invite, en effet, à penser plus haut encore. Surtout nous, qui ne sommes plus les hommes d’après la chute mais les hommes de la Nouvelle Alliance, les hommes d’après la Croix, la grande œuvre de Dieu. Le travail, malgré son statut très rude depuis le jardin d’Eden, est une grâce donnée à l’homme pour sanctifier le temps. C’est même par le travail que l’homme va sanctifier le temps. L’amour ne se mesure pas, on n’aime pas trente-cinq heures par semaine ; quand on aime quelqu’un, on l’aime tout le temps même quand on n’y pense pas et même après sa mort. Le temps mesure le travail : on travaille deux heures et en sanctifiant son travail, on sanctifie le temps. Dans cette lumière on se rend encore mieux compte à quel point le travail doit être humain car la grâce ne peut s’enraciner que dans ce qui est humain. Alors plus le lieu de la grâce atteindra sa finalité naturelle, plus la grâce s’épanouira pleinement. N’est-ce pas normal d’offrir à Dieu, de rendre sacré, ce que l’homme a de meilleur ? Peut-on rendre sacré un travail inhumain ? C’est donc impératif pour un chrétien de faire un travail humain et d’offrir aux autres un travail qui respecte toute leur personne. Accomplir un travail humain, c’est se rendre justice à soi-même ; offrir un travail humain quand on est patron, c’est rendre justice aux autres ; et n’est-ce pas justice que d’offrir à Dieu un travail digne de ce nom ?


Dieu laisse à l’homme rien moins que de coopérer à sa création qui n’est pas achevée. Il lui laisse ainsi de se sanctifier par son travail, lui laisse un jour particulier sans travail, de repos, pour qu’il pense aux fins de son corps mortel promis à autre chose qu’à la putréfaction. Le jour sans travail, le repos hebdomadaire, une fois par semaine, donné le dimanche, a un visage, il ne ressemble pas aux autres jours. Il porte une valeur prophétique, celle que ce corps qui a travaillé, aimé et qui va mourir, pour reprendre la trilogie camusienne de tout à l’heure, est appelé à la vie qui dure toujours, à la vie éternelle, à être corps glorieux. Le dimanche ? Un jour vital pour ne pas s’aliéner aux choses matérielles donnant sens au travail des six autres jours. Un jour pour tous, pas un luxe pour un petit nombre. Est grandement responsable l’employeur qui fait main basse sur un tel jour et qui pour un profit « maximal » accapare ce qui ne lui appartient pas, oublie un principe énorme, la destination universelle des biens, droit commun de tous à utiliser les biens de la création.

Dans trois jours, ce 7 octobre, se déroulera la Journée Mondiale du Travail Décent (JMTD). Pourquoi ne pas participer à cet événement chacun à sa manière en se posant cette question simple : pour qui est-ce que je travaille ? pour moi ? pour ma famille ? pour la société à laquelle j’appartiens ? et dans quelle proportion ? À quel bien commun est-ce que je participe ? Relisons aussi, pourquoi pas, Laborem exercens, première encyclique sociale de Jean-Paul II, pape qui a travaillé à son travail de pape avec une ardeur peu commune. Bel anniversaire en effet que ce jour de 1981 où cette encyclique a été écrite pour le monde entier[8], il y a tout juste trente ans. Non l’argent vulgaire ne peut être la clé du travail de l’homme avec comme seul moteur la cupidité pourrissant le cœur d’hommes qui « s’appliquent » à ne posséder que pour posséder. Ce « faire des affaires » que critique Camus via son narrateur concernant les habitants d’Oran.


Travailler, aimer, mourir. Travailler et pouvoir aimer encore. Travailler pour ne pas mourir comme une bête. Travailler, aimer, mourir. Non plus avec un air frénétique et absent. Travailler avec ardeur et avec conscience. Mettre au cœur de nos économies « capitalistes rigides »[9] un peu moins de cupidité, un peu plus de don et de gratuité. Pour que Sisyphe, levant les yeux sur des « choses nouvelles »[10], sorte de son destin tragique et maîtrise, enfin libre, son rocher.

 

H.B.

Hélène Bodenez a publié À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010).

L'AFSP fait partie de l’European Sunday Alliance depuis le 20 juin 2011.

Programme du centre culturel de Franlin : ici 

 


 

[1] Roman écrit en 1947 et qui valut par la suite à Camus le Prix Nobel.

[2] L’anonymat est levé à la fin du roman : il s’agit du Docteur Rieux.

[3] Gn. 3,19.

[4] Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham, p. 24, Éditions de l’Olivier, Points, 2011, P2679.

[5] Robert Lutz et Giles Decock, Réflexions sur le travail, « Pour un nouveau protocole anti-chômage », Éditions Grégoriennes, Le Guetteur, 2011.

[6] Échange rapide sur Radio-Notre Dame le vendredi 30 septembre 2011 entre Jean-Pierre Denis (La Vie) et Jean-Luc Mouton (Réforme).

[7] S’organise une conférence le 17 octobre 2011 au Comité économique et social européen à Bruxelles en l’année européenne du bénévolat : L’apport du « travail invisible » à la création de richesse – valeur ajoutée de la cohésion sociale.

[8] L’attentat du 13 mai en a retardé la publication qui eut lieu le 14 septembre, jour de la Croix glorieuse. Tout un symbole quand on lit la fin de l’encyclique : « Dans le travail de l’homme, le chrétien retrouve une petite part de la croix du Christ et l’accepte dans l’esprit de rédemption avec lequel le Christ a accepté sa croix pour nous. Dans le travail, grâce à la lumière dont nous pénètre la résurrection du Christ, nous trouvons toujours une lueur de la vie nouvelle, du bien nouveau, nous trouvons comme une annonce des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle » auxquels participent l'homme et le monde précisément par la peine au travail. Par la peine, et jamais sans elle. D'une part, cela confirme que la croix est indispensable dans la spiritualité du travail ; mais, d'autre part, un bien nouveau se révèle dans cette croix qu’est la peine, un bien nouveau qui débute par le travail lui-même, par le travail entendu dans toute sa profondeur et tous ses aspects, et jamais sans lui. » (n.27)

[9] Jean-Paul II, Laborem exercens,

[10] Rerum novarum, titre de l’encyclique de Léon XIII que tous les papes après lui n’ont cessé de reprendre et d’en approfondir le sens.

 

 

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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 23:00

 

 

| Le fil


SENS ET DÉCENCE DU TRAVAIL

À l’heure d’une dérégulation inédite, comment penser un travail décent pour reprendre la terminologie de l’Organisation Internationale du Travail ? Est-ce économico- compatible ? Le débat ouvrira une discussion posant le problème du sens du travail. Il s’orientera vers une ligne d’horizon, la légitime conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle, ciment nécessaire à l’édification d’une société plus libre et plus humaine.

 

Mardi 4 octobre 2011

Centre culturel Franklin

20h30

 

Avec :

Hélène BODENEZ,

professeur agrégé de lettres à Saint-Louis de Gonzague, dirige le dossier Oui au repos dominical ! pour l’AFSP membre de l’European Sunday Alliance. Auteur de À Dieu, le dimanche !, Éd. Grégoriennes, 2010.

Pierre ROBERT,

professeur agrégé en sciences économiques et sociales à Saint-Louis de Gonzague. Auteur de Croissance et crises : analyse économique et historique, Pearson Collection Cap Prépa.

 

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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 23:00

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Décryptage | Hélène Bodenez*


 Le pot de fer n’aura pas eu raison du pot de terre. L’épreuve de force des salariés de l’ex-enseigne hard-discount de Carrefour à Oyonnax (Ain), ED [1], reprise depuis juillet dernier par Dia, n’aura donc pas été vaine. Voilà deux ans que les plaignants licenciés par l’enseigne aux deux lettres rouge agressif attendaient un verdict d’importance, la condamnation d’un véritable abus de pouvoir.


L’objet du litige ? Avoir refusé de nouveaux horaires planifiés incluant le travail obligatoire le dimanche. C’est peu dire que le jugement  avait ce jour valeur symbolique, après le vote de la loi controversée  du 10 août, il y a deux ans. Arriverait-on à montrer que le licenciement était dénué de « cause réelle et sérieuse » ?

Ce 21 septembre le conseil des Prudhommes de Créteil a finalement tranché en première instance, et en faveur des rebelles. Il a condamné ED à payer 40 000 euros au titre des dommages et intérêts  à chacun des trois employés licenciés. Il n’y avait donc pas d’insubordination à faire valoir que le contrat de travail avait été modifié unilatéralement quand l’enseigne s’était cru  dans son « plein droit » et mise à faire travailler sans volontariat le dimanche matin. La condamnation est lourde, la victoire des salariés, et à travers eux de tous les opposants au travail du dimanche, n’en est que plus éclatante.


Il faut dire que depuis 2009, bien des choses ont changé : la crise est passée par là, la loi Mallié a rendu plus absurde l’absurdité existante, le hard-discount ne se porte pas bien du tout. Ajouté à cela que la Cour de Cassation avait fait parler d’elle. Ne venait-elle pas d’affirmer ce 2 mars 2011 qu’une nouvelle répartition de l’horaire de travail ayant pour effet de priver le salarié du repos dominical constituait une modification du  contrat de travail, que le salarié était alors en droit de la refuser ? Toutes les conditions d’un jugement favorable n’étaient-elles pas dès lors réunies ?


Le travail du dimanche empêche la vie familiale


Le Monde rapporte le commentaire de Maître Inès Plantureux, l’avocat des ex-salariés d’ED : « Ces salariés n'étaient pas capricieux. Ils travaillaient déjà le samedi et avaient des plannings chargés mais travailler le dimanche les empêchait tout simplement d'avoir une vie familiale ». Le site d’Europe1 met en avant l’âpre combat et ses impasses, « un moment  très difficile de ma vie » affirme l’une des salariés licenciés, sans travail aujourd’hui. Au Progrès, c’est l’amertume d’avoir été traitée sans décence qui prévaut : « Pour eux, nous ne sommes rien. Nous avons été licenciés à la va-vite, sans aucun respect du droit et de notre vie privée. »


À quelques jours de la Journée Mondiale du Travail Décent (JMTD) ce 7 octobre, on ne peut que saluer la volonté réaffirmée par ce verdict de protéger en France le repos dominical qui protège l’homme et sa famille. La décence du travail n’est pas à protéger en Afrique et en Asie uniquement. La mobilisation peut encore grandir dans l’Europe tout entière.

 

Hélène Bodenez est l’auteur d’À Dieu le dimanche ! (Éd. Grégoriennes)


À venir, conférence au Centre culturel de Franklin, « Sens et décence du travail », mardi 4 octobre 2011, avec Pierre Robert, Agrégé en sciences économiques et sociales, diplômé de Science Po Paris, auteur de Croissance et crises : analyse économique et historique, Pearson Collection Cap Prépa ; avec Hélène Bodenez, professeur agrégé de lettres, auteur d’À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes). Les deux intervenants sont collègues et enseignent en classes préparatoires économiques et commerciales, au Lycée Saint-Louis de Gonzague (groupe scolaire Franklin), à Paris.

Centre culturel Franklin, 12 rue Benjamin Franklin, 75116 Paris, métro Passy.
 

 

Dossier Liberté politique Oui au repos dominical !

Liberté politique est membre de l’European Sunday Alliance depuis son lancement le 20 juin 2011.

 


 

[1] On se souvient d’un de ses slogans publicitaires « Ed vous aide ! »

 

 

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"La Voix est libre", émission du 8 novembre 2010 animée par Anne Gavini. "Comment redonner sa place au dimanche". Débat avec Monseigneur Lagleize, évêque de Valence. Hélène Bodenez, professeur à Saint-Louis de Gonzague-Franklin, Monseigneur Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France. Par téléphone : Père Jacques Vignancour, curé de Saint Austremoine, à Issoires (Puy de Dome)

 


 

 

 

"Aujourd'hui l'Eglise", émission du 19 novembre 2008, animée par Elodie Chapelle. "Travail le dimanche : l'Eglise a son mot à dire" Débat  avec François Asselin et Hélène Bodenez.

 

 

 

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L'Association pour la Fondation de Service politique réunit des hommes et des femmes engagés dans la vie politique, économique et sociale. Elle est ouverte à tous ceux qui souhaitent participer à ses activités : colloques, conférences, universités, soirées-rencontres, campagnes de sensibilisation. De très nombreuses personnalités ont participé à ses travaux: chefs d'entreprise, cardinaux, universitaires, hommes politiques, journalistes.

14 juin 2011

The European Sunday Alliance is a network of national Sunday Alliances, trade unions, civil society organizations and religious communities committed to raise awareness of the unique value of synchronised free time for our European societies. Sunday and, more general, decent working hours, are the focus of our campaigns. In our Founding Statement, we draw attention to aspects of life/work-balance and social cohesion that depend on a vast majority of people to have their lawful free time at the same time.


Lancement de l'European Sunday Alliance, le 20 juin 2011 dont sont membres, entre autres, l'AFSP, la CFTC, le CAD.


 

CCF

Le centre culturel Franklin est inspiré par la tradition jésuite et permet de créer une synergie entre la formation intellectuelle, humaine et spirituelle dispensée aux élèves à Saint-Louis de Gonzague (Paris) et une certaine forme de formation continue destinée aux adultes de la communauté éducative. Ce que de manière traditionnelle, on appelait autrefois dans les collèges de la Compagnie : « école des parents », si non « école des adultes ». Le Centre culturel Franklin est ainsi un lieu de rencontres avec des personnalités uniques, un lieu de réflexion, un lieu d'échange et de débats.

Publications

 

51 Revue Rapport 03  Sexe-du-genre-Lp-55.jpg  Van-Thuan-revue-_-en-espagnol.png

 

- « Devoir des parents, bien de l'enfant », Francis Mouhot, Éduquer, est-ce encore possible ?, Les Idées, Revue Liberté politique, n° 60, (juin-juillet 2013), p. 157-158.

« Le Jésus de l’Histoire », À propos de Jean-Christian Petitfils, Jésus, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°56, Privat (mars 2012), p. 195-201.

- « La bataille du dimanche continue », Revue Liberté politique, IIIe Rapport sur la doctrine sociale de l’Église dans le monde, n° 55  (décembre 2011), p. 115-119.

- « Lumière du pape », À propos de Lumière du monde, Questions disputées, Revue Liberté politique, n° 52, Privat (mars 2011), p. 155-161.

- « Le cas de l'année : la bataille du dimanche en France et en Europe  », Revue Liberté politique, IIe Rapport sur la doctrine sociale de l’Église dans le monde, n° 50 (septembre 2010), p. 75-84.

- « La Battaglia sulla domenica in Francia », Rapporti dal Mondo, Osservatorio internazionale cardinale Van Thuan sulla dottrina sociale della chiesa, Bollettino di Dottrina sociale della Chiesa , (Anno VI 2010, numero 3, luglio-settembr), p. 87.  

  - « Le dimanche, un droit historique », À propos de Daniel Perron, Histoire du repos dominical, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°50, Privat (septembre 2010), p. 185-190.

 - « Une truculente défense du pape », À propos de Gaspard-Marie Janvier, Minutes pontificales sur le préservatif, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 49, Privat (juin 2010), p. 161-164.

- « Le dimanche, jour cardinal », Communication à la table ronde du 6 octobre 2009 "Vivement dimanche !" au Centre culturel de Franklin, Revue Liberté politique, n°. 47, Privat (décembre 2009), p. 23-31.

- « Voyage au cœur de la psychothérapie », À propos de Francis Mouhot, Le Moi et l’esprit, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 46, Privat (septembre 2009), p. 143-152.

- « Pourquoi le dimanche ? », Dossier "A Dieu, le dimanche ! Appel à la résistance des chrétiens", Revue Liberté politique, n°. 44, Privat (mars 2009), p. 107-116.

- « Benoît XVI le bâtisseur », À propos de George Weigel, Le Choix de la vérité, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 43, Privat (décembre 2008), p. 181-185.

- « Lâcher prise ou abandon spirituel », À propos de Robert Scholtus, Faut-il lâcher prise : splendeurs et misères de l’abandon spirituel, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 42, Privat, (septembre 2008), p. 167-174.

- « Retrouver les chemins de l’être », Dossier Fides et Ratio 2008-1998, Revue Liberté politique, n°. 42, Privat (septembre 2008), p. 153-163.

- « Les métamorphoses de Jésus ou la tentation de l’expérience directe », À propos de Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 41, Privat( juin 2008), p. 235-244.

- « Et le blog devint fléau », Éducation : questions qui fâchent, Revue Liberté politique, n°. 40, Privat (mars 2008), p. 147-157.

- « Conversion ou initiation : le presque de la foi », À propos de Jean-Claude Guillebaud, Comment je suis redevenu chrétien, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 38, Privat (septembre 2007), p. 125-131.

- « Relire La Pensée captive », À propos de Cesław Miłosz, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 32, Privat, (janvier-février 2006) p.129-141.

À lire absolument !

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Daniel Perron, Histoire du repos dominical (L'Harmattan, 2010).

 

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Gaspard-Marie Janvier, Le Dernier dimanche (Mille-et-une-nuits, 2009, Prix Mottard 2009). 

 

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Jean-François Froger, Le Maître du Shabbat (Editions Grégoriennes, 2009)

 

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Patrick Gourrier, Le dimanche, c'est sacré ! (Letheillieux, 2009)

 

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Michel Fauquier, Lettre ouverte du dernier des Français au premier des Français, (Tempora, 2009)

 

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Carte trvail dominical 
Dimanche

Fonctions sociales d'un jour à part

Noyau d'un ordre social historique

Vidéos créées pour ce blog.

Version de la vidéo en anglais

Version de la vidéo en espagnol 

Version de la vidéo en allemand

 

Dimanche

 

 

 

À Dieu, le dimanche !

H. Bodenez

 

A Dieu le dimanche !

Mis en danger par la proposition de loi Mallié, le dimanche est moribond en France. Ce livre voudrait lancer un appel à la résistance des chrétiens. L'argument religieux n'étant pas le plus développé dans un débat essentiellement politique et social, Hélène Bodenez voudrait que ne soit pas minimisé le regard de foi de la vision théologique et de la vision mystique. Admettons-le : le dimanche s'est vidé depuis longtemps de son sens originel. Pourtant, si le culte du dimanche suppose bien la foi intérieure des chrétiens, il n'en est pas moins un rituel extérieur et collectif. En en retrouvant la voie, les chrétiens pourraient participer à la mission de la France dans l'Église.   Acheter à La Procure

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Joseph Thouvenel a lu  À Dieu, le dimanche ! Ed. grégoriennes) Chronique Economie et société sur Radio Notre-Dame, 12 décembre 2010.

 

 

Faut-il faciliter le travail le dimanche ?

 

KTO

    

Pourquoi le dimanche est-il un jour chômé ?

 

 

 

L'écho des dimanches

Duo Zucchero - Fiori, paroles françaises de J.-J. Goldman, (Chocabeck, 2010).

"Dans mon village, j'ai vu le temps se poser..."