Le blog d'Hélène Bodenez 

 

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 10:48
"Richie" de R. Bacqué : un totalitarisme pour modèle

Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de lire Richie de Raphaëlle Bacqué parallèlement aux  débats agités de la réforme de Najat Vallaud Belkacem. Remarquablement rythmé, incisif en ses phrases courtes mais pleines, l’essai retrace brillamment la carrière de Richard Descoings mort à New York, un an après l'affaire Dominique Strauss-Kahn. Le titre éponyme brille force 7 d’un surnom donné par les étudiants de Sciences Po, institut dont le Conseiller d’État a été le directeur et surtout le réformateur ambivalent. Si vous aviez lu comme moi Les Strauss-Kahn, vous pensiez n’être pas complètement néophytes dans la connaissance des réseaux du pouvoir. Vue de l’esprit ! Vous n’aviez encore rien vu. Avec Richie, on atteint des sommets dans la compromission, les conflits d’intérêts, les collusions, le scandale pur et simple. Qui désormais pourrait être poursuivi en justice dans l’Éducation nationale tant les pratiques border line de Richard Descoings acceptées, louées par les plus hautes autorités, sauraient bien faire jurisprudence ?

 

On pourrait, bien sûr, être choqué par ces cooptations mystérieuses, ces appartenances aux réunions de l’ombre, ces nominations sorties du chapeau, ces lettres de complaisances, ces dîners où l’on « soigne sa carrière », par ces « courte-échelle pour grimper les échelons du pouvoir »… S’offusquer également de ces mœurs si débridées où voisinent subversion, drogues, ménage à trois, déniaisement et prostitution. Se heurter de ces contorsions inimaginables dans les sphères de la haute fonction publique pour faire valoir ou pour étouffer les scandales. Se froisser de cette vision de la réussite non plus fondée sur le diplôme mais sur cet « art consommé du camouflage ». Qu’à Sciences Po, nombre de professeurs soient maçons, « le plus souvent dans les loges libérales », admettons, même si là encore l’idée que soit squattée par un seul cercle idéologique l’école du pouvoir nous fait plus que tiquer bien entendu, nous afflige.

 

Refus du titre de gloire : « passionné d’éducation »

 

À la vérité, je sors en colère de ce livre pour d’autres raisons que celles-là. Le plus inadmissible dans ce portrait, où tout semble hélas si vrai, réside dans une expression revenant sans cesse et proférée par la bouche de plus éminents acteurs de la vie politique ou médiatique. Pour caractériser Richard Descoings, les mots de « passionné d’éducation » tombent en boucle. Comme la responsabilité de ceux qui ont vendu cela à la planète entière est énorme ! Suffirait-il pour être un « passionné d’éducation » de réformer Sciences Po en supprimant le concours d’entrée, en faisant entrer par la force des étudiants de ZEP leur faisant croire qu’il suffit de la devise démagogique « Ne renoncez à rien ! » ? N’avait-on donc rien de mieux à leur proposer, à ceux-là mêmes qui semblent plus fragiles, que ce praticien d’un système de faveurs, que ce gourou faiseur de « grâces et de disgrâces », que « ce fou », que ce type qui prétendait non seulement « nourrir les esprits mais aussi libérer le corps ? », repérant timides, provinciaux, et jeunes un peu gauches… Ces jeunes sur le dos desquels le directeur de Sciences Po se versait comme nombre du staff de Sciences Po primes et bonus de plusieurs centaines de milliers d’euros ? Quel négatif de Jean Bosco ou de Jean-Baptiste de La Salle !

 

Que n’a-t-on pas écrit au moment de la sortie du film Le cercle des poètes disparus où était stigmatisé par toute une presse donneuse de leçons, le professeur « enthousiaste » sortant de ses prérogatives et dérivant d’une forme de sobriété neutre ! Dans Richie c’est tout l’inverse adoubé, le portrait avance de démesures en provocations, de fautes graves en malversations, de chargés de mission surnommés « gitons » en professeurs à la botte. Mais rien n’arrive à Richard Descoings à part le coup d’arrêt d’une mort aussi fatale qu’accidentelle à New-York. Mieux : unanimité, louanges, décorations des puissants, et même, comble de l’indécence, il est à deux doigts d’être nommé ministre de l’éducation nationale par Nicolas Sarkozy, lui Richard Descoings ce « briseur de frontières » ! Jusqu’aux funérailles grandioses, avec messe et éloge funèbre de l’homme aux deux alliances. À ce titre l’ouverture du livre, tout en ironie subtile, brille éblouissante.

 

Le totalitarisme Descoings 

 

« La loi, c’est moi », « je m’assieds sur les règlements », telles ont ces leitmotive transgressifs dont tout le monde, à commencer par les grands noms du monde politique, économique et culturel,  s’est non seulement accommodé mais aussi félicité. Mon étonnement énorme est là : comment aucun parent d’élève ne s’est-il insurgé ? comment aucune association d’élèves se s’est-elle inquiétée ? Pourquoi a-t-il fallu attendre des ennuis pécuniaires et non les dysfonctionnements humains graves et patents pour qu’un audit soit lancé ? L’argent est-il donc plus important que la protection des jeunes ? Qu’on ne m’objecte pas qu’ils étaient majeurs ! Ils l’étaient depuis si peu de temps…

 

En fermant le livre, je repense à la réforme à venir, supprimant les classes bilangues, malmenant le latin et le grec. Je me demande alors si Najat Vallaud-Belkacem n'essaie pas à grande échelle ce que Richard Descoings a fait à petite échelle avec Sciences Po ; supprimer toute culture classique jugée discriminante comme il a supprimé le concours d’entrée. Le ministre de l’Éducation nationale n’essaie-t-elle pas de poursuivre cette Révolution française, que Vincent Peillon pensait n’être pas finie dans les esprits, en décapitant la tête des Humanités, ces disciplines jugées trop sélectives ? Le calendrier numérique ne va-t-il pas aider à ce suicide annoncé ? L’on retrouve en tout cas quelque chose du totalitarisme Descoings, de la « vraie » réforme de l’Éducation nationale qu’il espérait, dans ce qui semble arriver sûrement. C’est sans doute la leçon principale du livre que je tire, celle d’un pouvoir gay totalitarisme où le mécanisme de la pensée captive joue à plein ! H.B.

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28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 07:44
"Les Choses d'En-Haut" : les consciences toujours vives

Dans le paysage éditorial actuel Les Choses d’En-Haut d’Hélène Raveau va briller de tous ses feux. Feux de ferveur. Feux polémiques également d’une Foi vivante qui ne concède rien au fanatisme, feux d’une Espérance dénuée du moindre illuminisme. Feux nés du si pur Mémorial de M. Pascal. Voici une centaine de pages brillantes qui s’annoncent comme roman mais que vous découvrez d’abord fragments pascaliens disposés en sept chapitres, pages déroutantes car vous ne savez pas très bien dans quel genre littéraire elles s’inscrivent. Poème, fable ? « Poème héroïque » ! s’avance, dans la préface, le professeur Gérard Feyrrerolles, spécialiste de la littérature du XVIIe siècle et ancien Président des Amis de Port-Royal. Sans doute. Héroïne en tout cas il y a, elle est femme, femme sans nom.

 

Pour commencer, comprendre l’entremêlement des époques dans ces superbes lignes, ces allers et retours entre le XVIIe siècle et le présent : en connaître surtout le soubassement historique, la destruction de l’Abbaye de Port-Royal des Champs. Destruction totale jusqu’aux fondations. Jusqu’aux restes humains du cimetière. Ce monastère de femmes se relayant devant le Saint-Sacrement qu’elles honoraient jusque dans le nom de leur communauté fut l’objet d’une cruauté inouïe de Louis XIV qui en décida l’anéantissement : « la destruction prit trois années. On ne laissa pas une pierre. Du chantier au charnier, la cruauté de Louis s’inscrivit en lignes de sang. » Sait-on suffisamment que les gendarmes du roi bannirent les religieuses dans diverses communautés, malmenant des sœurs âgées ? Un ordre est cité, celui des Visitandines.

 

Renaissance de Port-Royal en plein XXIe siècle

 

Gageure littéraire ou prophétie ? La narratrice invente longtemps après la tragédie la vocation d’une moderne jeune fille du XXIe siècle venue prier librement avec onze autres sur le lieu même de la destruction ancienne, « debout sous le ciel », « chantant de très anciens chants oubliés », et attirant des foules qui écoutent n’ayant « jamais entendu louer Dieu ». Politiques et évêques impuissants s’offusquent naturellement de telles « effrontées » pour lesquelles affluent pourtant des dons pour une hypothétique reconstruction : « Personne ne savait comment s’y prendre avec ces femmes ». Le cercle de prière est vite jugé dangereux, rien à voir pourtant avec les prières de rue des musulmans « à qui on avait construit des mosquées ces trente dernières années ». Ainsi lit-on : « Pire que des prières des rues, c’étaient des prières des champs », prière quotidienne chaque soir à six heures et demie de ces femmes sans voile, intemporelles orantes. Veilleuses debout chantant complies dans « une atmosphère de fin de monde » engagées dans un combat « contre le siècle ».

 

Pas de restauration à l’identique espérée mais un relèvement opéré par des vivantes qui  choisissent d’« arracher Port-Royal à la poussière des ruines », d’en faire « un bâtiment armé pour le futur ». Assistance au Saint-Sacrement et non un accueil de touristes.

 

L’un des grands thèmes du livre se niche là : la vénération de l’Eucharistie, « cet auguste mystère », fin de la vocation de Port-Royal au XVIIe siècle.  Si les douze jeunes femmes du XXIe siècle, alignées dans ce vallon célèbre « deux à deux, six d’un côté, six de l’autre », se tournent elles aussi vers le Dieu caché, ignorant parfaitement la foule, elles amènent par cette ignorance même la foule à se tourner vers Dieu. Les murs du temple de pierre ne sont plus mais elles se tiennent là, « pierres redressées », temples de chair, abbaye vivante. Plus de reliquaire, ni d’ostensoir mais elles s’offrent reliquaires en un sacrifice exemplaire dans le silence qu’elles embrassent : ni le froid, ni les questions des curieux ne les détournent. Paulinienne attitude.

 

Les fragments dédiés au temps historique de Port-Royal nous apprennent quelle liberté ces femmes d’exception ont dû payer et à quelle obéissance servile on leur demanda de plier. L’épisode du refus de signer le Formulaire, expliqué dans l’annexe, est à ce titre bienvenu pour un lecteur d’aujourd’hui dont le temps, entre outrage au Théâtre de la Ville et opposition des Veilleurs, a foulé au pied tant de résistances héroïques. Évoqué souvent dans le corpus des fragments, le Formulaire est ce par quoi le scandale arriva : querelle de la grâce si caricaturée, saint Augustin si mal compris.

 

Louis Le Grand : qui seul est grand ?

 

Parmi les moments les plus subtils de ce « petit ouvrage » en leurs parallèles saisissants et leurs échos stupéfiants, les fragments politiques interprétant comme fruits amers du règne de Louis XIV jusque dans nos temps modernes les conséquences de la brutalité du Roi à l’égard de Port-Royal des Champs. Le roi avait ordonné de détruire Port-Royal jusqu’au « vif-fond ». Ironie de l’Histoire : la Terreur extirpera de Saint-Denis aussi jusqu’à la dernière poussière royale. Louis Le Grand ? Le Roi-Soleil ? L’interrogation se fait obstinée Qui seul est grand ? Qui seul luit au cœur de l’ostensoir baroque, de ce « soleil » ? Nous dérober à notre grande vocation, celle que l’Esprit-Saint voudrait toujours mieux dessiner, laisse des traces terribles. À échelle individuelle comme à échelle collective.

 

Loin de tout jansénisme, Hélène Raveau livre une œuvre unique où s’allient profondeur du fond et perfection de la forme. Les fragments dans leur apparent désordre temporel donnent, dans une vision d’éternité, un ordre tout autre d’une force exceptionnelle. La réalité dépassera-t-elle un jour cette fiction d’un Port-Royal reconnu par Rome ? Constatons en attendant que la destruction ancienne n’a pas pu étouffer tout à fait les voix de la conscience et de la liberté spirituelle. H.B.

 

Hélène Raveau

Les Choses d’En-Haut, Chap. III, p. 50.

 

Réduit comme on réduit une place forte, démantelé, détruit, rasé, fouaillé, poursuivi jusque dans ses images, Port-Royal résistait encore. Il eût fallu combler le vallon, effacer le ciel, faire rendre gorge aux oiseaux, brûler la poussière et la cendre, décrocher des consciences les portraits admirables, soulever tous les manteaux et les jupes sous lesquels marchaient vers les libraires les lignes de feu, étrangler Pascal au sortir de sa mère, tous les Arnaud, toutes les belles amies, massacrer une génération à la lisière, étouffer Racine au berceau. Dans une agonie qui n’est pas sans grandeur, ayant vu s’écrouler sous lui toute sa descendance, le Roi-Soleil eut un songe…

***

Les Choses d’En-Haut, Hélène Raveau, éditions Salvator, 2015.

Mise à jour 23 avril 2015

Mise à jour 30 avril 2015

Recension élogieuse dans le numéro de mai de la revue Esprit.

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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 10:48

Le blog-notes du 9 mars 2015 - Les Choses d'En-Haut d'Hélène Raveau aux éditions Salvator (À 03:37 sur le site de Radio Notre-Dame en réécoute).

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Published by Hélène BODENEZ - dans BLOG-NOTES RADIO NOTRE-DAME LIVRES
31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 11:46

Soumission.png

Note parue hier vendredi 30 janvier 2015 sur le site de Liberté politique.

 

Faut-il se soumettre au succès de Soumission ? Le dernier roman de Houellebecq n’est pas le plus puissant, mais il a fait mouche avec d’autant plus d’acuité que l’actualité a semblé lui donner raison : la France libertaire et nihiliste va-t-elle se livrer à l’islam ? Pour autant, la complaisance de l’auteur dans la description de la débauche écrase son message. Ce que ne manquent pas de relever les critiques qui s’indignent de son diagnostic cru sur la montée de l’islam en vomissant un style dont ils chérissent les causes. Il reste que l’obscénité littéraire, qui serait en l’espèce une sorte de preuve par le sordide, n’a jamais vaincu le désespoir des débauchés et la lâcheté des tièdes. C’est l’avis d’Hélène Bodenez. LP


ON S'ÉTAIT DEJA BIEN FAIT DUPER par Le Royaume d’Emmanuel Carrère (Plon, 2014). Grand battage médiatique, explosion téléguidée des ventes, buzz sur les réseaux sociaux… Carrère adoubé grand écrivain de son temps, qui l’eût cru ? Même stratégie pour Michel Houellebecq qui n’aura, quant à lui, pas eu le temps d’écumer les plateaux : les tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher l’ont obligé à se retirer fissa dans la montagne. Patrick Cohen sur France inter aura eu de la chance, comme David Pujadas sur France 2 encensé par ailleurs dans le livre. Les deux journalistes avaient dégainé à temps pour recevoir l’oracle visionnaire. Bien leur en a pris. Désormais, sécurité oblige : chique est coupée à Houellebecq. Mais de manière inversement proportionnelle aux apparitions médiatiques de son auteur, les ventes de Soumission (Flammarion, 2015) s’envolent. Michel serait même  en passe de devenir immortel !


On peut se payer d’analyses savantes et tordues, y compris chez des critiques catholiques, instrumentaliser Huysmans en agitant tout un réseau pour le faire publier dans la Pléiade, rien ne me convaincra : Soumission m’a ennuyée. Ennuyée ferme ! Si je ne voulais pas écrire cette note, j’en aurais laissé tomber la lecture à la page soixante-dix. M’est avis que c’est ce qui se passera chez de nombreux lecteurs. Et ils auront bien raison.


Rien de nouveau


Valeurs actuelles approche l’affaire de manière juste cette semaine avec Camille Pascal qui s’interroge : « Faut-il lire Houellebecq ? » Il conclut : « Soumission ne nous apprend rien. C’est peut-être là, d’ailleurs, ce qui caractérise le tout-lisant d’une époque donnée. » Quant à François Bayrou, il y voit « une opération commerciale » et ne cache pas son dégoût concernant le héros du roman, ce « mec impuissant affectivement et sexuellement ». Pour l’agrégé de lettres classiques, « le livre s’explique en une page ». La véritable soumission dont il est question, c’est « la femme soumise à l’homme et l’homme soumis à Dieu ». Y voir un règlement de comptes parce que Bayrou joue la figure malheureuse du soumis dans le livre, Premier ministre moqué car composant avec le président musulman élu en France en 2022 ? Sûrement, mais il n’empêche : je partage entièrement son analyse.


Dans une écriture sans attrait, truffée de verbes être, de phrases banales [1], de dialogues attendus des milieux réacs, de tartines, le lecteur suit vite dégoûté, un narrateur qui dit « je », un certain François, professeur d’Université et spécialiste du décadent J.-K. Huysmans. Sa caractéristique, outre d’enseigner accessoirement et mollement quelques heures en fac, est de coucher avec certaines de ses étudiantes qui le quittent toutes invariablement au bout d’un certain temps « ayant rencontré quelqu’un ».


Du côté de la bégueule


Les détails complaisants des passages relevant de la pornographie (p. 101, 105-106, 196-197…) la plus sordide émaillent le livre dans un crescendo vers la jeune juive Myriam, crescendo qui grossit encore jusqu’à l’épisode des deux escorts. N’est pas la Molly de Bardamu qui veut ! Vous ne pensiez trouver bien sûr ce genre de saloperies que dans des torchons avec avertissements préalables… Robbe-Grillet avait bien vendu l’un de ses derniers romans hard sous plastique. Ce n’est même plus la peine aujourd’hui. Un sous-SAS passe pour roman ! Peu de critiques s’attardent sur cet aspect du livre qui ne choque plus personne.


Se choquer, mon Dieu, ce serait d’ailleurs se discréditer, verser forcément du côté de la bégueule. Elle n’aurait toujours pas compris, la pauvre, que l’immoralité ou le sulfureux d’une histoire n’en fait pas pour cela un mauvais livre. S’y révélerait même un chef d’œuvre ! Dans Soumission, là est toute l’arnaque. Les saloperies de Houellebecq envahissent tout, jamais aspirées par une quelconque vision poétique. Plates saloperies. Beurk.

Description crue objectivisée de l’anatomie féminine, monologue à sa bite, fantasmes sur les culs, fellations répétées, enculages savants, tout dans ces lignes de passages à l’acte salaces transgressifs mais vécus comme ordinaires exhibe une vision basse, sale de l’union des corps. La femme n’est jamais une personne, un vis-à-vis, elle ne devient qu’objet de jouissance, avilie. Est-elle femme d’ailleurs ? Pas vraiment unions ces allures de relations hétérosexuelles, en réalité recherche du même dans l’autre.


On essaie naturellement de faire passer ces salopes qu’elles sont toutes comme consentantes, mais force est de constater qu’aucune de ces femmes ne demeure auprès de lui : François reste seul, destiné à finir désespérément seul, seul à pleurer sur son sort, devant la mort qui vient, seul à pleurer sur ces maladies de peau et sur ses hémorroïdes. Aucun sentiment, à part « penser à » de temps en temps. L’indifférence à la mort du père fait passer le « Aujourd’hui maman est morte » de Camus pour lyrisme torride.


Pas de roman


L’histoire est obsessionnellement portée par cette vision de la femme que la conversion à l’islam, après l’échec de la retraite catholique à Ligugé ou devant la Vierge de Rocamadour, légitime. C’est ainsi que l’accession à l’Élysée du Président musulman Ben Abbes n’apparaît donc en définitive que prétexte. La soumission à la religion du Prophète transpose de manière politique la soumission que François impose aux femmes mais qu’elles refusent définitivement. Ce qu’il n’a pas pu trouver dans la femme moderne, une ménagère « potable », une « femme pot-au-feu » à consommer sans modération, nouvel Arnolphe à « la femme potage de l’homme », il l’aura de manière « arrangée », par l’islam qui se charge de tout. Pas de choix, plus de liberté mais trois épouses. Que demander de plus… À quinze ans, les chairs ne tombent pas encore !

La fin du roman à ce titre se veut explicite : le credo en Allah n’a strictement aucune importance, l’octroi des femmes par la marieuse, si. La soumission de la femme à l’homme se révèle d’autant plus sordide et révoltante que celle de l’homme à Dieu est pure mascarade.


Les subtiles analyses politiques que les critiques littéraires se sont essayés d’écrire lors de la sortie de Soumission et dont les médias ont fait des gorges chaudes me font a posteriori bien sourire, la lecture de ces lignes bâclées terminée. Pas de roman. Pas de représentation du monde. Fantasmes à peine transformés « exposés » en une chronologie autofictionnelle. À cause d’une mère « putain névrosée » ? Ce n’est pas un roman alors qu’il faut écrire… Des séances chez un psy s’imposent…


Une chose est sûre, comme le disait un vieux père dominicain, « les extrêmes [ici, soumission de la femme et soumission à l’islam] sont dans le même genre ». François, « déserté par l’Esprit » ? Houellebecq aussi ! H. B.

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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 22:58

 

Le-Royaume-a-Montparnasse.jpg

La dernière fois que j’ai rencontré une réalité nommée « Le Royaume » c’était dans une fiction de littérature de jeunesse. Les jeunes aujourd’hui sont en effet friands d’Heroic fantasy et les ouvrages surfant sur la vague occultiste des différents niveaux de réalité pullulent. Le Royaume en question surgissait totalitaire dans un monde parallèle.

 

Le titre d’Emmanuel Carrère n’annonce pas un livre pour les jeunes loin de là, mais l’on se demande dans quel niveau de réalité se situe le royaume matière de son livre quand, à la fin, le narrateur lâche sa révélation - dans un français tellement travaillé - « c’est pareil » au nirvana !

 

Beau titre en tout cas, convenons-en. Il programme d’y raconter le Nouveau Testament, le Christ et son Royaume qui n’est justement pas de ce monde.

 

Chorus médiatique

 

Il aura fallu malgré tout, qu’au milieu des six cent sept ouvrages de la rentrée littéraire, ce pavé de six cent trente pages émerge. Tout commence là ! Canal + et son Grand journal, Répliques sur France culture, La Grande Librairie sur France 5, jusqu’au lévrier courant plus vite que les autres, le Prix du Monde. Étonnante unanimité des médias mis à part Jean-Christophe Buisson du Figaro Magazine. Toujours plus de journaux, plus de quotidiens et d’hebdomadaires spécialisés pour aller de leur tartine flagorneuse concernant « l'Évangile selon frère Emmanuel ». Parallèlement à cette mousse grandit mon incompréhension au fil d’une lecture à chaque page plus laborieuse.

 

Sauf que voici le petit caillou qui grippe la belle machine médiatique. Le fameux livre n’est pas retenu dans la première liste du Goncourt ! Première déconvenue. La Vie qui appartient au Monde s’en offusque mais le couperet est tombé, il est définitivement « évincé ». Si La Vie s’étonne, moi pas, qui viens précisément de terminer le livre lu de la première ligne à la dernière.

 

Il paraît d’abord assez évident que la mise à l’écart n’a rien à voir avec la prise de recul du livre avec le christianisme. Au contraire, cela aurait dû jouer en sa faveur. Le Royaume n’est-ce pas tout simplement Loisy salué une fois encore « Le Christ a annoncé le Royaume et c’est l’Église qui est venue » ? Le livre qui entend raconter comment Emmanuel Carrère est redevenu plus ou moins athée ne nous dit en réalité pas autre chose ; et l’histoire aurait pu plaire à nos jurés des temps présents, agnostiques et libertaires.

 

Un livre qui ne ressemble à rien

 

Non, la mise à l’écart tient à un autre constat : Le Royaume ne ressemble à rien, n’est en rien littéraire. Certes, il est question d’un chemin parcouru, lu à l’aune de la psychanalyse, de l’amitié, d’une famille qui se demande par exemple comment on peut croire à des choses aussi bêtes quand on est chrétien « rationalisant platement tous les mystères », lu à l’aune d’historiens, d’artistes, bref de grands noms étalés en écran de fumée. Mais ceux qui défendent le livre ne voient que cela et dans une espèce de critique charitable, mélangent l’amour de l’artiste avec la force d’une œuvre artistique, l’intention et l’idée artistique. Qu’on respecte le cheminement même très tortueux d’Emmanuel Carrère est une chose. Qu’on porte aux nues pour cette raison « ces milliers de notes » liées par d’« habiles transitions » en est une autre.

 

Six cents pages donc, écrites sans style, en langage familier voire grossier, à la va comme je te pousse, lourdes de démonstratifs et de présentatifs, voilà Le Royaume. Quatre parties dont on se demande quelle est leur unité tant elles sont truffées de tartines et de digressions sans queue ni tête, voilà encore Le Royaume. Un « moi je » qui s’épanche gratuitement dans une vulgarité raide, voilà  toujours Le Royaume.

 

Ni romancier, ni historien, ni poète. Emmanuel Carrère ne sera rien de tout cela. Restera juste, précise-t-il, l’« enquêteur » parti à la recherche de la vérité du Nouveau Testament, à la recherche d’une vérité fabriquée de toutes pièces. Que de mentions de « j’imagine », « transposons », « scénarisons » ! Le lecteur suit un auteur qui entend passer d’un catholicisme dogmatique à un catholicisme rationaliste, éclairé. Les autorités convoquées et admirées sont alors Renan, Drewermann, Mordillat et Prieur, le « prodigieux érudit » Joachim de Flore, celles de la tradition et de l’Église toujours contestées ou moquées. D’ailleurs si Renan a quelque peu vieilli, Le Royaume, annoncé par trois fois comme rêve de « chef d’œuvre d’artisan », pourrait en devenir la version moderne accessible. On y parle tellement comme tout le monde ! L’auteur se sait d’ailleurs très intelligent pour mener à bien pareille entreprise. Cela va mieux en le disant, et si possible plusieurs fois. En toute modestie naturellement…

 

«  Si je suis libre d’inventer c’est à la condition de dire que j’invente en marquant aussi scrupuleusement que Renan les degrés du certain, du probable, du possible, et juste avant le carrément exclu, du pas impossible, territoire où se déploie une grande partie de ce livre. »

 

L’intention affichée ne laisse pas de gêner évidemment : si fiction il y a, pourquoi avoir regimbé à appeler l’ouvrage roman ? Regardons par exemple cette image inventée de Jésus

 

«  dont on aimerait croire les romans selon lesquels il couchait avec Maria de Magdala ou avec son disciple bien-aimé, malheureusement on n’y croit pas. Il ne couchait avec personne. On peut même dire qu’il n’aimait personne, au sens où aimer quelqu’un c’est le préférer et donc être injuste avec les autres. » 

 

Rapprochements anachroniques pesants

 

Attardons-nous sur la page quatre cent. Un sommet ! On avait déjà lu que la Résurrection de Jésus de Nazareth était illusion, le Jugement dernier impossible. Arrive alors, après sept pages de pornographie autobiographique, l’affirmation de l’impossibilité de la réalité de la Sainte-Vierge où culmine la grossièreté d’un maelström pseudo culturel indigeste. Pour venir à bout de ce que notre moderne Emmanuel, en vrai raisonnable, ne peut croire, il faut toujours plus de réduction du Mystère, de dégradation de sa pureté et de son intelligence. L’abîmer au cœur. Le sommet de cette pureté on la connaît : l’Immaculée Conception ; elle sera donc assassinée. Que dire encore d’une Église qui a retenu l’Eucharistie quand elle aurait dû retenir le lavement des pieds et pas seulement le Jeudi saint ? Que dire d’un Paul « qui n’avait pas de temps à perdre avec les faits et gestes terrestres de Jésus de Nazareth, encore moins  avec les souvenirs des péquenots qui l’avaient entouré de son vivant » Que dire surtout des rapprochements incongrus pesants et incessants, comme ici Jean « djihadiste juif » ou Jésus « Ben Laden »... Les « c’est comme » anachroniques ? une torture dans la lecture.

 

La rentrée littéraire serait écrasée, nous dit-on, par les ventes colossales du livre de Valérie Trierweiller. Nous en venons presque à le comprendre tant des livres comme Le Royaume affichent une prétention aveugle. L’insolence d’une démarche qui triture rien moins que la Bible n’a d’égal que l’inceste consommé avec le petit cercle de ceux qui s’entendent sur le dos des écrivains, les vrais. Qu’on en vienne à parler pour Le Royaume de possible chef d’œuvre relève strictement du coup monté. H.B.

 

***

Lire sur le site de La Croix "Le Royaume sous le regard d'un bibliste"

Photo : H.B.

Relay Montparnasse, 20 septembre 2014.



"Le Royaume" de Carrère est-il le chef d'oeuvre... par LeNouvelObservateur

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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
7 septembre 2014 7 07 /09 /septembre /2014 22:23

 

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Le lire ? Pas le lire ? À vrai dire la question ne s’est même pas posée. Alors que twitter annonçait la rupture de stock dès le jeudi de sa sortie voici que samedi quatre exemplaires de Merci pour ce moment (Les Arènes) s’épanouissaient sur les étagères d’un des Relay de la Gare Montparnasse. En reste-t-il encore quelques-uns de cachés comme cela ici ou là ? Probablement. Six heures de train en tout cas pour l’avaler, cela tombait à pic !

 

Le bal des hypocrites


Beaucoup se sont indignés de ces lignes au nombre desquels trop de femmes. Elles oublient un peu vite comme Apolline de Malherbe sur BFMTV par exemple qu’elles-mêmes pourraient bien correspondre au profil de ces femmes journalistes qu’on repère pour les broyer ensuite tellement facilement. Le passage où la jeune Massonneau est ferrée par François Mitterrand, et partant, par son premier employeur, en dit long sur la façon dont on construit ces « amazones ».

 

Ce livre est une véritable torpille. Faisant fonctionner à plein l’émotion, Valérie Trierweiler n’écrit pas un « roman vrai » de sa vie comme le font tant de VIP pour se protéger d’éventuels procès. Non, c’est un témoignage brut, même pas une autobiographie. Une tranche de vie. « Raconter l’histoire, la vraie ». Pas de prétentions littéraires. Aucune poésie. L’ex firstgirlfriend écrit en chroniqueuse efficace. Comme tous les journalistes publiant. Pas mieux ni pire qu’un FOG par exemple ou qu’un médecin expert sur les futures grandes épidémies. Simplement de l’actu. « Tout ce que j’écris dans ce livre est vrai. » On est très loin de Saint-Simon évidemment mais certaines chutes sont bien travaillées comme celle concernant « l’anecdote » Aquilino Morelle « qui s’est pris tout seul les pieds dans les lacets de ses souliers faits sur mesure. Plus personne ne viendra les lui cirer ».

 

On pourrait se dire que la fin d’une histoire passionnelle, c’est du rabâchage tant ces histoires-là ont déjà dit ce qu’elles avaient à dire, donné même quelquefois des chefs-d’œuvre. Des Liaisons dangereuses à Climats en passant par Dom Juan, le canevas n’est-il pas toujours le même et la catastrophe sûre ? En réalité, si ce livre a tant envie d’être lu, a été arraché par plus de deux cent mille lecteurs en moins de trois jours, un phénomène plus ample que celui d’Harry Potter, c’est qu’il s’y trouve la confirmation de ce que les Français pressentent depuis 2012, confirmation de la surdité, des mensonges d’un président qui avait pourtant voulu son quinquennat sous l’égide du normal, d’un président de gauche qui avait asséné, comme sait l’asséner cette gauche éclairée, qu’avec elle les pauvres et les sans-grade seraient protégés, les femmes seraient libérées et les individus émancipés.

 

Réactions stéréoptypées


Or que voit-on à la faveur de la sortie de ce livre ? De vieilles réactions stéréotypées à l’égard d’une femme à talons hauts qui prend le parti de dire qui elle est, pas celle qu’on a construite de toutes pièces par des opérations com’ puissantes. D’une femme qui refuse d’être « poupée de cire », « vestale ». D’une femme qui refuse de se taire, « soumise et transparente comme une image d’Épinal ». Le portrait de François Hollande en cruel, menteur, ambivalent, double qui en découle est dévastateur. Que ce soit un homme si libre, si représentatif de l’autonomie moderne qui agisse ainsi laisse pantois.

 

Ce que montre très bien le livre c’est la love story au moment où personne n’aurait misé un kopek sur François Hollande à 3% dans les sondages, et encore, quand il y était cité ! Mariée, heureuse avec son second mari et ses enfants, Valérie Trierweiler devient la proie du premier secrétaire du parti socialiste qui n’a aucun scrupule à détourner une femme de son mari, une mère de ses enfants, elle qui lui résiste en pleine gloire à Paris Match. Puis c’est le retournement : une fois qu’elle a abandonné sur ses pressions toute vraie carrière, et à Direct8 et à Paris Match (dans le placard du service culturel), qu’elle cède et qu’à son tour il accède au pouvoir suprême, il la piétine la forçant au silence et dans la foulée à une sacrée coupe dans ses revenus. Passion normale !

 

Elle compatit dans la vraie vie


Le plus pitoyable de ces révélations au vitriol reste naturellement les pages 228-231 où la famille de Valérie Trierweiler, « Sans dents », est raillée au retour d’un dîner de Noël, sous l’expression « Pas jojo ». La blessure au fer rouge est béante et ces lignes fleurant bon la vérité restent le point névralgique de la vengeance. Cosette, fille de caissière et de grand invalide guerre, n’a pas eu de Jean Valjean pour la tirer de l’enfer, et la phrase continuera longtemps de faire son mauvais œuvre. L’explication finale de l’homme blessé très tôt par une Ségolène Royal le castrant dans son envie de pouvoir n’est pas sans finesse. Mais Valérie Trierweiler n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle parle du milieu d’où elle sort, de ses actions humanitaires : on sent une femme qui ne joue pas la comédie quand elle nous parle du « Secours populaire », des handicapés ou des jeunes filles nigérianes enlevées. Elle compatit dans la vraie vie quand François Hollande en serpent froid se protège dans une forme de nolife.

 

L’incipit du livre comme l’explicit sont deux moments réussis. Les intentions de l’auteur annoncent qu’elle « va ouvrir les malles » ayant « trop besoin de vérité » comme ses résolutions celles de ne plus revenir auprès d’un homme qui l’inonde pourtant encore de SMS. Qui dit qu’ils ne sont pas envoyés comme agissait Valmont envers la présidente de Tourvel ? François lui ment-il encore en roué quand il lui assure qu’il n’a plus de liaison avec Julie Gayet ?

 

Le lecteur est sensible également à un certain fair play dans un examen de conscience qui pointe çà et là : gâchis de son mariage, mal qu’elle a fait à son mari dont elle dit qu’elle est heureuse que ses enfants aient sa classe. Sous-entendre bien sûr que François Hollande n’en a aucune.

 

Malgré son état de grande fragilité, force est de constater que la journaliste politique a trouvé la vigueur pour mener son livre jusqu’au bout, de proposer une relecture d’événements, une révision de choses vues et vécues trop vite interprétées, faits prenant une valeur politique bien réelle. Il y a un courage à saluer. On aurait aimé cependant que ce début de mise au clair sur les constructions politiques et journalistiques aille plus loin.

 

Le Mariage pour tous


Prenons par exemple le mariage pour tous sur lequel la journaliste de Paris Match revient par deux fois. La première pour dire que les opposants à cette loi sociétale font partie de la fachosphère. On tremble que l’entourage du président ait fait croire que les millions de Français descendus par trois fois dans la rue étaient des millions d’extrémistes, on tremble que l’entourage du président ait pu monter pareil mensonge et que l’exécutif soit tombé dans le piège.

 

À la fin du livre, Valérie Trierweiler en parle à nouveau et l’on est en droit de se demander si elle n’a pas participé elle-même au montage.

 

« Je ne suis pas dupe non plus. Dans certaines circonstances, me mettre en avant l’a arrangé. Comme lors du mariage pour tous. François n’a pas reculé malgré les manifestations monstres. Il a tenu cette promesse alors qu’il n’en était pas convaincu au fond de lui évoquant même la liberté de conscience des maires. En découvrant cette formule, je lui ai envoyé un message dans la seconde pour l’avertir que la phrase ne passerait pas. Et effectivement devant le tollé il l’a retirée.

Dans ce combat, je suis allée en première ligne, avec son assentiment, et peut-être même à sa place. Sans doute parce qu’il voit le mariage comme une porte qui se ferme. François n’a jamais compris, sinon de manière théorique, la portée de cette réforme emblématique de la gauche qui restera peut-être sa seule marque dans l’Histoire de France. C’est un joli pied de nez du destin. Je ne doute pas que le mariage pour tous sera la dernière grande réforme de la gauche. (p.314)

Bien sûr, l’anecdote tend à vouloir montrer une fois encore un Président roi nu, girouette, sans convictions qui prend ses décisions on ne sait où, partout sauf en lui-même. Mais penser que le mariage pour tous est un emblème de gauche relève de l’ineptie. Certes, la loi Taubira a été votée sous la gauche mais combien de gens de gauche se sont élevés là contre ? Pensons évidemment à Sylviane Agacinski ou à certains intervenants lors des « manifestations monstres » comme Jean-Jacques Rateau. De fameux fascistes, n’est-ce pas…

 

Non, cette loi inique, sans fondement rationnel, idéologique, bafouant tant de citoyens ne peut venir que de lieux dédouanés de la loi démocratique de réprésentativité du peuple, de cercles initiés sûrs de leurs positions éclairées, de cercles masculins de surcroît ayant exclu depuis tant de siècles les femmes de leurs prises de décision. Ces cercles et ces loges pour ne pas les nommer ne sont ni de droite ni de gauche. Ils sont juste secrets. Et du secret plus que du mensonge, du non-dit, du mystère et de l'ambivalence, il y en a dans ce couple déchiré.

 

L’on regrette donc que Valérie Trierweiler si soucieuse des enfants du Secours populaire n’ait pas voulu comprendre le mal qui va leur être fait, au nom de la loi désormais, mal que la Manif Pour Tous dénonçait à temps et à contre-temps : faire croire que deux mères égalent un père, que deux pères égalent une mère.

 

Qu’il nous voie, qu’il nous écoute


Un chroniqueur disait dans C dans L’air que ce livre c’était pire que l’affaire des diamants de Bokassa sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Je le pense également. Penser que le président était en pleine affaire Gayet et que Valérie Trierweiler essayait le 28 mars 2013 de savoir la vérité au moment de l'interview sur France 2 reste pathétique. Nous étions, nous manifestants de La Manif Pour Tous, sous les fenêtres de France télévisions bunkerisé. Nous disions alors « On veut qu’il nous voie », « On veut qu’il nous écoute »… Ironie du moment ! Valérie Trierweiler ne dit pas autre chose dans son livre. Elle voulait simplement qu’il l’écoute, qu’il la voie. Son histoire c’est la nôtre, renvoie à tant et tant de Français niés, piétinés, dindons de la farce depuis 2012. H.B.

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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 13:57

La-Trace-du-fils_2.png Gaspard-Marie Janvier honore la nouvelle rentrée littéraire d’un surprenant roman. La Trace du fils (Fayard) explore, le temps d’une course-western en montagne, le difficile « métier de père ». Pour réussir à approcher les horizons incertains de la paternité, le roman se veut marche au fil des pages. 

 

C’est l’histoire d’une fugue. D’une fugue et d’une traque dans le théâtre d’infinis espaces. Fugue d’un fils. Traque d’un père. À moins que ce ne soit l’inverse. Nous sommes au seuil de l’hiver. Un jeune garçon de dix ans, Abel, disparaît sur les arêtes du Pic de Bure dans les Alpes. Son beau-père Cecil part à sa recherche au lieu de se résoudre à appeler la police. Le retrouver, l’attraper, le ramener vivant, « recueillir le petit », voilà la quête annoncée. Y parviendra-t-il ? Ses propres moyens suffiront-ils ou devra-t-il faire appel aux hommes en uniforme ? L’elfe agile aperçu pour la dernière fois dansant comme un feu-follet sur la montagne promet en tout cas bien du fil à retordre dans sa fuite-recherche paradoxale de père.  Car le père d’Abel, Didier, est mort et Cecil « père B » avait tout bonnement pensé pouvoir prendre le relais. Mais rien de moins simple. Si seulement Cecil savait ce que c’est que d’être père « Qu’est-ce donc qu’un père ? » s’interroge-t-il. La question semblait être faite pour se dissoudre dans l’air du temps … »

 

Et elle se dissout effectivement ladite question, d’autant plus que lui-même fuit devant les gendarmes, fuit devant Big mother et Bénédicte, ses première et seconde épouses. Folle poursuite donc que cette traque. Qui fuit qui ? Qui poursuit qui ? Telle devient vite la question dans ce roman escarpé : « Cecil et ses fuites ! quand donc arriverait-il à agir sans qu’au milieu de son acte, toujours un indice ne laisse échapper une intention contraire ? » Pas de chevauchée endiablée, mais une poursuite promenade, poursuite rumination, poursuite escalade, poursuite  essentielle de mise au clair avec soi-même acceptant comme une évidence, mi-révolté, mi-défaitiste, l’aveuglant constat de femmes en colère fières de savoir changer une roue, n’ayant plus besoin des hommes, comme d’enfants voulant peut-être se débarrasser des pères.

 

Galerie de caractères

 

Le chasseur Vidossang et sa chienne Maju, le moine errant Enzo juché sur sa mule, l’inénarrable Xavier chef de rayon, Urbain le drôlissime présentateur d’une minable téléréalité, les géants Traveleurs, autant de rencontres, de magnifiques caractères, que de haltes jasardes dans le périlleux voyage. À chaque fois, le lecteur se nourrit d’un monde de vies, d’histoires pittoresques, de points de vue croisés. Personnages à la marge, ils extraient une lueur bienfaisante, un humour libérateur, un paradoxe gênant dans la nuit de la marche, marche qui rythme l’action. L’action trace autant qu’elle traque dans l’incertitude et l’errance ; le lecteur avance avide, au mot rare pas encore effacé, au pas forcé du marcheur lent qui ne progresse parfois que de quelques kilomètres en quarante-huit heures. Il monte libre avec le marcheur dans les hauteurs.

 

Le grandiose espace du roman se dilate dans un temps ordonné. Structuré sans chapitre par trois grandes parties inégales, il serre « Au troisième jour » d’abord Cecil, puis « Au huitième jour » Bénédicte, enfin avec « Et les jours passent » Abel. La fiction fragmentée par un jeu de focalisation expert crée un tempo alerte pour suivre l’homme, la femme, l’enfant. Puis vient le drame et la fin surprise, une vraie fin, un sens avec l’arrivée de l'émouvante cavalerie.

 

Abel, l’innocent tué

 

Avec l’histoire d’Abel, Gaspard-Marie Janvier concocte du neuf avec de l’ancien. Oserons-nous une lecture figurative et voir en Abel, le premier fils assassiné, l’enfant pur et généreux des Origines, l’innocent des écritures saintes ? dans cet enfant qui « parle aux arbres, aux rochers, aux fontaines », y voir une figure emblématique de tous les enfants déracinés, assassinés d’aujourd’hui ? Le fils de Cecil dans sa fugue aussi réelle que symbolique nous avertirait-il d’arrêter le massacre ? Sans doute est-il permis de le croire. Mais jamais le roman n’emprunte la route du catastrophisme ou du déclinisme, encore moins du didactique, ne sert de tartines moralisatrices. Dialogues hauts en couleurs, monologues intérieurs profonds, descriptions et portraits comme on n’en fait plus, rêve surréaliste, prolepses infimes, tout concourt à ouvrir l’esprit de celui qui lit, à le réveiller par la seule force d’un récit plaisant et si nuancé. L’espérance pointe même sa frange : quoique perdus, n’y aura-t-il pas toujours quelqu’un pour les trouver ces fils égarés pour peu qu’ils se laissent chercher ? Il y a du Pascal par moments dans cette fiction-là ainsi que prévenait l’exergue du roman. « Les pères craignent que l’amour naturel des enfants ne s’efface. Quelle est donc cette nature sujette à être effacée ? »

 

Du Pascal sérieux oui, mais pas seulement. Car il y a surtout du western joyeux dans ce périple vital. C’est en toute bonne conscience que les cowboys ont exterminé les Indiens nous rappelle l’auteur dans sa vidéo de présentation. C’est en toute bonne conscience que notre monde en évince un autre avec sa destruction/recomposition familiale échevelée, un peu comme la grosse machine des bûcherons vient arracher la souche de l’arbre « l’agrippant par six crochets articulés à des bras d’acier ». Lutte épique de la machine contre la nature pour le déraciner : la souche résiste, la machine lâche parfois prise mais fait céder finalement l’arbre.

 

Un roman frais

 

Poser ainsi la question du père ébranle évidemment. Le tour de force de Gaspard-Marie Janvier n’est pas mince d’avoir tiré d’une question si sérieuse, si métaphysique puisqu’elle pose la question de la source de notre vie, un roman si frais. L’air pur des hauteurs inspire à l’évidence, soufflant allègrement ici un dialogue cocasse, là une poésie subtile. Kaléidoscope de nos maux hypermodernes, l’histoire cherche une issue par une modification spirituelle, modification que permet le chemin parcouru par les pieds blessés tout près d’un cœur. Histoire de chair et d’esprit avec des moments d’exceptions parodiques tel la vente du matériel de montagne ou bien l’interview de Big mother où se superpose l’inanité de commentaires désopilants d'une toute-puissante psy. Ou encore telle pique bien sentie en direction d’une école épuisante « en activités où l’on n’apprend rien », en prétentieuses maîtresses « qui se donnent des airs sympas ».

 

Qui est donc ce Cecil ? se demande au bout du compte le lecteur. « Pas un nom de coutume » avait observé judicieusement Vidossang notre chasseur sans détours. Un nom culturel, dirons-nous avec un clin d’œil facétieux à Cecil B. DeMill. En tout cas, pas de super héros affiché dans ce western littéraire. Complexé, marié par les circonstances, bigmozerisé (traduire divorcé d’une femme qui n’est plus que la mère de ses enfants) ni époux ni père, évidemment athée, gamin, désespéré, peureux, les adjectifs peu reluisants pleuvent pour désigner notre père moderne tourmenté en quête de lui-même. Janvier comme l’auteur - masque de fils ? - Cecil grossit pourtant pas à pas le livre d’une faiblesse touchante. L’amour en acte qui le meut pour un petiot « qui n’était même pas le sien », malgré des fêlures ouvertes comme des crevasses, le grandit à mesure qu’il cherche le lilliputien, qu’il se donne jusqu’au bout de lui-même, sur la crête de l’arête. Au bout du drame, c’est lui qui est trouvé. Cherche ton fils, tu deviendras père, pourrait-on résumer.

 

La « trace » ou comment représenter l’identité

 

Ni Shakespeare, ni Strindberg, observateur hors pair du monde moderne, Gaspard-Marie Janvier sait en traduire les angoisses les plus vieilles sans pour autant les confiner dans des culs-de-sac mortifères. L’auteur qui mettait au centre de son précédent roman une course au trésor, en remotive une autre, plus ardue encore mais ô combien précieuse. Pour cela, un mot d’importance dans le beau titre nouveau : « trace ». Nous entendons à première lecture et dans le contexte, « ce qui reste », « ce qui affleure », « ce qui n’est pas encore effacé », « ce qui révèle ». Mais dans sa dimension plus scientifique, la définition pourrait tourner plus juste autour du caractère du fils, de sa matrice, de ce qui fait le propre d’un fils, de son ADN dirions-nous aujourd’hui en glosant. Le roman pose alors avec Abel fils de Didier/Cecil une interrogation ontologique, universelle : quels fils sommes-nous ? de quel père sommes-nous nés ? en entraînant une autre plus essentielle encore : de quelle source spirituelle notre esprit est-il né ? Chercher la trace du fils ne revient-il pas à chercher son identité ? notre identité ? D’autres pensées plus tragiques montent en lisant : Quel enfant, sans père ? Le monde moderne n’est-il pas en train d’engendrer des fils de personne ?

 

Le roman, lui-même trace d’un auteur, travaille l’air de rien une des questions les plus ultimes qui soit. Sans poser. Sans difficile philosophie. Pas un traité, juste une histoire qui va vers sa fin. Il ne vous enferme pas dans d’effroyables espaces mais déballe toujours plus large. À lire avec grande attention, intelligence et cœurs ouverts. Pour qu’il y ait moins de « trous sous le ciel ». H.B.

 

*** 

 

EXTRAIT
« Marcher la nuit sur la crête du monde »

Gaspard-Marie Janvier, La Trace du fils, Fayard, p. 70.

 

« Au troisième jour »

 

Il dut tenir deux heures dans l’euphorie d’une progression ailée, porté par une force qui lui semblait peu naturelle. En s’arrêtant pour boire, le silence lui fit comprendre le charme particulier de la marche nocturne. Le jour est centrifuge. Les mille distractions de la lumière éparpillent l’attention en mouvement. La nuit est centripète. Elle rassemble le marcheur sur lui-même. C’est comme s’il retenait à soi le bruit de ses pas. Il se berce du clapotement régulier des semelles, du cliquètement des cailloux, du frottis des vêtements. Et en même temps, c’est comme s’il était hors de lui, qu’il s’entendait de l’extérieur produire un tel tapage qu’il couvre le grand murmure des ténèbres. Marcheurs, marchez la nuit sur la crête du monde vous n’aurez pas peur. Et lacez bien vos souliers. Car si vous devez les renouer comme le fait à présent Cecil, outre que ce n’est pas commode dans le noir, gare au moral : revoilà les crissements, les craquements et les râles.

 

Auteur : Gaspard-Marie Janvier

Éditeur : Fayard

Année : août 2014

Nombre de pages : 222 pages

Prix : 18,00 €


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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 10:38

Equilibre-du-present.png

Béatrice Marchal, lauréate du Prix Troubadours, nous livre avec Équilibre du présent un recueil de poèmes simples et beaux. Les relisant à la faveur d'un temps plus lent, je me dis que décidément je les aime ces fragments accessibles et exigeants, chantant une nature grosse de ces arbres médiateurs, bouleaux, pins, chênes, magnolias. Oui, comme nous y invite la quatrième de couverture, restons bien "attentifs à la poésie des scènes de la vie quotidienne saisies sur le vif et aux liens de toute nature qu'au fil du temps nous tissons avec les êtres - mère, père, enfant, ami, conjoint - autant que nous en sommes tissés."

 

II

À mon père

 

Le vieux chêne

au bord du chemin

enfonce dans la pente un fût

couvert de feuilles et d'humus

 

En prévision de sa coupe lointaine

tu nous rappelles le lieu de sa base

tu rêves à la taille de la bille

Je l'imagine veinée lisse et dure

 

Matière brute et sourde

au chant de l'oisau sur la branche

soubassement solide et nécessaire

forme de ta puissance paternelle

 



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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
18 juillet 2014 5 18 /07 /juillet /2014 10:43

La Ligne bleue

Le bonheur chatoierait-il d’une couleur spécifique comme les voyelles de Rimbaud ? Lui si complexe à poursuivre, si impossible à retenir, fuyant toujours plus à mesure qu’on s’en approche, se contenterait-il de la teinte primaire que lui assigne Ingrid Betancourt dans son premier roman, entreprise très attendue après la splendide réussite de son livre témoignage Même le silence a une fin (Gallimard, 2010) ? Le narrateur de La Ligne bleue le croit dès les lignes d’incipit comme le croiront également Mia et Théo lors d’un moment d’exception à la fin de l’histoire, juste avant la mort. « Bleu et lisse » comme le ciel. Bleu que ne vient troubler aucun nuage, aucune ombre. « Elle contemple l’azur au-dessus de son érable. Le bonheur est bleu. Horizon bleu, eau bleue. » Ainsi s’était ouvert le roman. L’on n’est pas loin du cliché… Déception.

 

Page turner impeccable


Tous les ingrédients pour réussir un succès de librairie à la Guillaume Musso ou à la Patricia Cornwell sont réunis. Construction comme un polar américain, à moins que ce ne soit comme un scénario de film, avec une histoire fragmentée en plusieurs époques, plusieurs points de vue, riche de flashbacks. Chaque chapitre titré se termine sur un suspens qu’on reprendra trois ou quatre chapitres plus loin. La Ligne bleue s’apparente ainsi à un page turner tant les pages se tournent effectivement d’elles-mêmes, tant les lignes s’avalent, fortes de cette construction efficace qui vous entraîne de 1962 à 2006 en passant par l’année charnière de 1974 et la mort du père Mugica dans une temporalité loin de toute linéarité. Des tuilages impeccables comme par exemple la réplique leitmotiv de Théo qui assène fanatiquement sa différence « Nous ne sommes pas comme cela » permettent de s’orienter sans peine. Les thèmes du roman flirtent quant à eux avec des thèmes en vogue et qui plairont comme la voyance et la prémonition se mêlant savamment à l’aventure et à l’amour, les portant même. Pas de poésie mais un style bref, laconique presque minimaliste avec ces phrases sujet/verbe qui s’enchaînent sans fioriture. « Julia partira, la maison et les fleurs resteront. » Le récit se veut alerte comme si la fameuse collection blanche de Gallimard s’adaptait déjà au format de la liseuse numérique qui impose évidemment son style.

 

Julia, c’est l’héroïne du roman. Elle est dotée du pouvoir de voir certains événements à l’avance, se sert de ce don pour essayer de sauver la vie de ceux qu’elle aime : sa sœur Anna qu’elle sauve bel et bien de la noyade, Adriana et Théo qu’elle fait évader en même temps qu’elle de la terrible geôle où la torture aurait eu raison d’eux sinon. Mais aussi le père Mugica, averti pourtant, et qu’elle ne peut extraire à son assassinat programmé. Jusqu’au dernier de ses « voyages »  - comme elle appelle ses transes vers un autre niveau de réalité - qui n’aboutira pas selon ses vœux, mais jouera paradoxalement tout son rôle prophétique dans la vengeance que cherche Théo, Montonero humilié à jamais par l’indignité subie. Les sinistres sbires de la dictature militaire des années soixante-dix en Argentine devaient payer la mort de Gabriel, du frère non violent, victime innocente d’une barbarie innommable.

 

Folie ? Excentricité ? Crise nerveuse ? Troisième œil ? En tout cas, Julia voit. Et le lecteur omniscient voit ce que Julia voit et surtout prévoit à travers les yeux de sa « source ». Cascade narrative opérante. Une fois le don spécial de Julia expliqué, décrypté, l’aventure peut commencer : avec le massacre d’Ezeiza en 1973, étape d’un plan d’extermination des trotskistes, le contexte idéaliste d’une jeunesse de gauche est posé, posé autour de la figure du père Mugica qui « parlait de justice sociale » soutenant que « la lutte armée était un piège et que seule l’action démocratique pouvait venir à bout de la mainmise militaire ». Face à Julia qui l’enjoint de se protéger, il rétorque : « Je n’ai pas peur de mourir. J’ai plus peur que mon évêque m’expulse de l’Église. » Le livre se veut bel hommage de figures courageuses tels ces prêtres pour le Tiers-Monde dénonçant au péril de leur vie les exactions de la junte. La répression anticommuniste, celle d’El Cabo Pavor ou celle d’El Diablo, à Castelar ou à la Mansión Seré, s’abat avec une rare violence sur le groupe d’amis et de frères d’une même cause. Théo, chef de réseau, pâtira le plus, mais rien non plus ne sera épargné aux femmes, toutes jeunes filles ou femmes enceintes. Julia accouchera du fils de Théo en prison. Il s’agit de chercher à faire mémoire à travers ces vies massacrées narrées, vraies quoiqu’elles soient fictives : elles ont nom Rosa, Paola, Adriana et bien sûr Julia. Les détails crus des tortures passent l’imagination. À sa manière Ingrid Betancourt romancière participe à la vulgarisation du regroupement des témoignages collectés par le « Service d’Anthropologie » l’élevant romanesquement au rang de devoir de mémoire. Ces pages les plus nourries, parmi les plus dures du roman, se livrent aussi comme les plus captivantes. Lire La Ligne bleue c’est alors connaître des faits et faire corps avec une souffrance qui a bien sûr moins besoin de consolation que de reconnaissance.

 

Best-seller pour l’été ?

 

On a du mal malgré tout à voir dans ce roman efficace où les débats de fond sont escamotés (1) le beau style de Même le silence a une fin. Le premier roman de l’ex-prisonnière des FARC révèle au contraire une évolution inattendue : l’écrivain n’entend pas écrire un roman comme elle avait écrit un témoignage. Sacrifiant sans doute aux codes des éditeurs qui veulent vendre, l’écrivain offre un opus irrégulier fait d’une action certes nerveuse mais porté par un style plat aux phrases proches pour certaines de maximes éculées. Rançon d’une nouvelle efficacité imposée à l’heure du livre papier malmené ? Peut-être. On s’en veut en tout cas d’émettre cette critique à l’encontre d’une personnalité hors-pair qu’on admire tant et qu’on a écoutée avidement présenter son livre sur les plateaux de télévision et de radio. Mais c’est ainsi. La Ligne bleue - après La Ligne verte de Stephen King - sera sans doute un succès de librairie, un livre peut-être même numéro un dans les listes de livres à lire cet été - et il faudra le lire - mais marquera-t-il son temps d’un point de vue littéraire ? Sans doute pas. H.B.

 (1) On cherche vainement la spiritualité et le pardon dont parlent toutes les chroniques à propos du livre.  

 

***

Écouter sur le site de France Inter "Jour de Fred" consacré à La Ligne bleue

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Published by Hélène BODENEZ - dans LIVRES
30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 22:05

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En attendant de dire de ce livre que j'ai lu ce qu'on n'aura pas encore dit, de dire tout le bien et le beau que ce petit opus porte, de dire tout ce que je pense de cette fin tellement boulerversante... Ce qui compte c'est l'homme, pas les grandes théories. La leçon est magistrale en une densité rare. En attendant donc, cette émission ! "Profondément politique et superbement littéraire" dit la journaliste à propos du Chemin des morts. Vrai ! H.B.

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"Aujourd'hui l'Eglise", émission du 19 novembre 2008, animée par Elodie Chapelle. "Travail le dimanche : l'Eglise a son mot à dire" Débat  avec François Asselin et Hélène Bodenez.

 

 

 

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L'Association pour la Fondation de Service politique réunit des hommes et des femmes engagés dans la vie politique, économique et sociale. Elle est ouverte à tous ceux qui souhaitent participer à ses activités : colloques, conférences, universités, soirées-rencontres, campagnes de sensibilisation. De très nombreuses personnalités ont participé à ses travaux: chefs d'entreprise, cardinaux, universitaires, hommes politiques, journalistes.

14 juin 2011

The European Sunday Alliance is a network of national Sunday Alliances, trade unions, civil society organizations and religious communities committed to raise awareness of the unique value of synchronised free time for our European societies. Sunday and, more general, decent working hours, are the focus of our campaigns. In our Founding Statement, we draw attention to aspects of life/work-balance and social cohesion that depend on a vast majority of people to have their lawful free time at the same time.


Lancement de l'European Sunday Alliance, le 20 juin 2011 dont sont membres, entre autres, l'AFSP, la CFTC, le CAD.


 

CCF

Le centre culturel Franklin est inspiré par la tradition jésuite et permet de créer une synergie entre la formation intellectuelle, humaine et spirituelle dispensée aux élèves à Saint-Louis de Gonzague (Paris) et une certaine forme de formation continue destinée aux adultes de la communauté éducative. Ce que de manière traditionnelle, on appelait autrefois dans les collèges de la Compagnie : « école des parents », si non « école des adultes ». Le Centre culturel Franklin est ainsi un lieu de rencontres avec des personnalités uniques, un lieu de réflexion, un lieu d'échange et de débats.

Publications

 

51 Revue Rapport 03  Sexe-du-genre-Lp-55.jpg  Van-Thuan-revue-_-en-espagnol.png

 

- « Devoir des parents, bien de l'enfant », Francis Mouhot, Éduquer, est-ce encore possible ?, Les Idées, Revue Liberté politique, n° 60, (juin-juillet 2013), p. 157-158.

« Le Jésus de l’Histoire », À propos de Jean-Christian Petitfils, Jésus, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°56, Privat (mars 2012), p. 195-201.

- « La bataille du dimanche continue », Revue Liberté politique, IIIe Rapport sur la doctrine sociale de l’Église dans le monde, n° 55  (décembre 2011), p. 115-119.

- « Lumière du pape », À propos de Lumière du monde, Questions disputées, Revue Liberté politique, n° 52, Privat (mars 2011), p. 155-161.

- « Le cas de l'année : la bataille du dimanche en France et en Europe  », Revue Liberté politique, IIe Rapport sur la doctrine sociale de l’Église dans le monde, n° 50 (septembre 2010), p. 75-84.

- « La Battaglia sulla domenica in Francia », Rapporti dal Mondo, Osservatorio internazionale cardinale Van Thuan sulla dottrina sociale della chiesa, Bollettino di Dottrina sociale della Chiesa , (Anno VI 2010, numero 3, luglio-settembr), p. 87.  

  - « Le dimanche, un droit historique », À propos de Daniel Perron, Histoire du repos dominical, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°50, Privat (septembre 2010), p. 185-190.

 - « Une truculente défense du pape », À propos de Gaspard-Marie Janvier, Minutes pontificales sur le préservatif, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 49, Privat (juin 2010), p. 161-164.

- « Le dimanche, jour cardinal », Communication à la table ronde du 6 octobre 2009 "Vivement dimanche !" au Centre culturel de Franklin, Revue Liberté politique, n°. 47, Privat (décembre 2009), p. 23-31.

- « Voyage au cœur de la psychothérapie », À propos de Francis Mouhot, Le Moi et l’esprit, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 46, Privat (septembre 2009), p. 143-152.

- « Pourquoi le dimanche ? », Dossier "A Dieu, le dimanche ! Appel à la résistance des chrétiens", Revue Liberté politique, n°. 44, Privat (mars 2009), p. 107-116.

- « Benoît XVI le bâtisseur », À propos de George Weigel, Le Choix de la vérité, Questions disputées, Revue Liberté politique, n. 43, Privat (décembre 2008), p. 181-185.

- « Lâcher prise ou abandon spirituel », À propos de Robert Scholtus, Faut-il lâcher prise : splendeurs et misères de l’abandon spirituel, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 42, Privat, (septembre 2008), p. 167-174.

- « Retrouver les chemins de l’être », Dossier Fides et Ratio 2008-1998, Revue Liberté politique, n°. 42, Privat (septembre 2008), p. 153-163.

- « Les métamorphoses de Jésus ou la tentation de l’expérience directe », À propos de Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 41, Privat( juin 2008), p. 235-244.

- « Et le blog devint fléau », Éducation : questions qui fâchent, Revue Liberté politique, n°. 40, Privat (mars 2008), p. 147-157.

- « Conversion ou initiation : le presque de la foi », À propos de Jean-Claude Guillebaud, Comment je suis redevenu chrétien, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 38, Privat (septembre 2007), p. 125-131.

- « Relire La Pensée captive », À propos de Cesław Miłosz, Questions disputées, Revue Liberté politique, n°. 32, Privat, (janvier-février 2006) p.129-141.

À lire absolument !

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Daniel Perron, Histoire du repos dominical (L'Harmattan, 2010).

 

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Gaspard-Marie Janvier, Le Dernier dimanche (Mille-et-une-nuits, 2009, Prix Mottard 2009). 

 

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Jean-François Froger, Le Maître du Shabbat (Editions Grégoriennes, 2009)

 

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Patrick Gourrier, Le dimanche, c'est sacré ! (Letheillieux, 2009)

 

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Michel Fauquier, Lettre ouverte du dernier des Français au premier des Français, (Tempora, 2009)

 

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Carte trvail dominical 
Dimanche

Fonctions sociales d'un jour à part

Noyau d'un ordre social historique

Vidéos créées pour ce blog.

Version de la vidéo en anglais

Version de la vidéo en espagnol 

Version de la vidéo en allemand

 

Dimanche

 

 

 

À Dieu, le dimanche !

H. Bodenez

 

A Dieu le dimanche !

Mis en danger par la proposition de loi Mallié, le dimanche est moribond en France. Ce livre voudrait lancer un appel à la résistance des chrétiens. L'argument religieux n'étant pas le plus développé dans un débat essentiellement politique et social, Hélène Bodenez voudrait que ne soit pas minimisé le regard de foi de la vision théologique et de la vision mystique. Admettons-le : le dimanche s'est vidé depuis longtemps de son sens originel. Pourtant, si le culte du dimanche suppose bien la foi intérieure des chrétiens, il n'en est pas moins un rituel extérieur et collectif. En en retrouvant la voie, les chrétiens pourraient participer à la mission de la France dans l'Église.   Acheter à La Procure

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Joseph Thouvenel a lu  À Dieu, le dimanche ! Ed. grégoriennes) Chronique Economie et société sur Radio Notre-Dame, 12 décembre 2010.

 

 

Faut-il faciliter le travail le dimanche ?

 

KTO

    

Pourquoi le dimanche est-il un jour chômé ?

 

 

 

L'écho des dimanches

Duo Zucchero - Fiori, paroles françaises de J.-J. Goldman, (Chocabeck, 2010).

"Dans mon village, j'ai vu le temps se poser..."